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    Le Chanoine Duret
    ou l’intelligence contre le mal

    « mille prudences à mentir

    Ne comblerons jamais l’absence d’un martyr. »

    Ce professeur de philosophie enseignait à Saint Stanislas pendant la guerre. En même temps, il animait comme membre du réseau Louis Renard des sessions patriotiques. Ce disciple de St Thomas d’Aquin et de Péguy a toujours affirmé son attachement aux vertus civiques. Jeune séminariste, il était affirmé pour défendre le Sillon de Marc Sangnier en 1910. Pour lui, l’action civique donnait chair à l’ordre chrétien. Il voulait réconcilier démocratie et foi. Ainsi en 1920, il défend la Société des Nations. De 1920 à 1926, il rédigea avec des prêtres poitevins des cahiers dans le style des cahiers de la quinzaine de Péguy pour donner une voix sur la vie politique et sociale.

    20 ans plus tard, le Père Duret accepte d’accompagner un groupe d’intellectuels autour d’un avoué poitevin Louis Renard. Participaient des professeurs d’université comme Louis Cartan ou bien René Savattier, un curé de campagne l’abbé Bonnin de Smarves et même un sous-secrétaire d’État radical Gaston Hulin. Le P. Duret rédigeait à la maison des cahiers qui circulaient sous le manteau, préfiguration de l’aventure de "Témoignages
    Chrétiens". Deux thèmes sont souvent traités : celui du devoir de désobéissance et la poésie.

    « Ce n’est pas parce que nous sommes moins forts que nous n’avons pas raison », clamait l’abbé Duret. Pour lui, le maréchal Pétain était détenteur d’un pouvoir absolu et il collaborait avec l’Allemagne. L’autorité religieuse (entre autre l’ARAC assemblée des archevêques et cardinaux) déclarait qu’elle avait seule la responsabilité de conduire les consciences. Témoignage Chrétien, malgré un tirage de 50 000 exemplaires en 1943, rencontre une hostilité polie alors que la revue cite les documents pontificaux. L’abbé Duret affrontera les mêmes critiques sur le diocèse. Ni ses brochures, ni celles de Témoignage Chrétien ne parviendront au petit séminaire de Montmorillon. Un jour, il refusa de se rendre au lever des couleurs pour chanter « Maréchal nous voilà ».

    Poète enfin et surtout. Car cet homme de lettres aimait écrire. Qui aurait deviné qu’à sa mort on retrouve une correspondance avec Claudel, Maritain, Blondel, Francis James ? Dans son bureau, cellule monastique, défilaient magistrats et universitaires. Le professeur de philosophie de terminale mettait un point d’honneur à la concision , élément essentiel de la beauté de notre langue. Un élève disait : « Tout d’abord », il, rectifiait « Non, dites « d’abord », cela suffit. »

    Parmi tous ses poèmes, ceux publiés en 1942 chez Aubin à Ligugé expriment le mieux sa sensibilité et ses convictions :

    Faux prophètes, troubles athées
    Tyrans des postes magistraux
    Mais voyez donc sous vos bureaux
    Ces jeunes ensanglantés
    Et vous qui m’étalez d’une dextre si fière
    Vos syllogismes de parpaing
    A ce peuple affamé qui demande du pain
    Proposerai-je cette pierre ?

    Bouche assembleuse de nuées,
    Bouche éteigneuse de soleils
    Sept dards rougis de vermeil
    Poudreront vos chairs prostituées.
    Déjà l’ange a choisi ses traits incandescents
    Beaux Érodes, bourreaux des nouveaux innocents !

    La matinée pensive, Espigrammata p.6

    La Gestapo vint l’arrêter le 30 septembre 1942, jour de la rentrée des professeurs. Il mourut de fatigue le 29 mai 1943 à Wolfenbüttel. Son procès de canonisation a été ouvert.

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