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    Ça se dispute ! Découvrir l’actualité

    4 mars 2021, 11:45, par Maurice Baron

    « Tout est compliqué »

    La lecture de la dispute n°8 du philosophe Bréchoire intitulée « Oh là, ‟Tout est compliqué” » invite à quelques réflexions mues non point par ‟l’émerveillement ″, mais plutôt par de ‟l’étonnement” et surtout une certaine forme de ‟révolte”.
    1) De l’étonnement d’abord : comment se fait-il qu’une pensée aussi ancienne que celle des stoïciens ait eu une telle postérité puisque même Saint Ignace de Loyola, Simone Weil… et bien d’autres, l’ont reprise à leur compte. Cela mérite certainement de s’y attarder. Effectivement, les événements qui ne dépendent pas de nous, mieux vaut les accepter tel qu’ils nous sont donnés pour rester libre malgré le poids des malheurs.
    ‟Tout est compliqué ”dites-vous oui… parce que ‟tout est lié”. La pandémie actuelle est une crise plus générale que sanitaire ; elle révèle une crise environnementale, politique, économique, industrielle, humaine…, une crise de nos relations… qui deviennent masquées ; c’est vrai ‟c’est compliqué”.
    La doctrine de l’indifférence enseignée par les Stoïciens conduirait à se dire « bah ! c’est ainsi, acceptons le monde tel qu’il est … et réjouissons-nous » : amor fati.
    Non, pas tout à fait parce qu’il s’agit d’une indifférence positive c-à-d que pour ne pas ‟subir” le poids des confinements itératifs et autres couvre-feux, pour vaincre l’angoisse du chômage, et jusqu’à la peur de la mort qui risqueraient de conduire au désespoir, il est nécessaire de s’entrainer et cela s’éduque. L’acceptation du monde tel qu’il est, demande de l’entrainement à l’école d’un maître (les médias n’y aident pas !) Quelle grandeur d’âme en effet ! Etonnant !
    2) Mais cette philosophie est-elle « applicable » c-à-d humaine ? Conduit-elle au bonheur ? Bien sûr qu’il est facile d’aimer le monde, ce qui est là, ce qui nous est envoyé par le destin quand le monde est bien gentil et sympathique avec nous (mais dans ce cas, est-il vraiment nécessaire d’avoir recours à la philosophie pour être ‟sauvé″ ?) Mais qu’en est-il quand les événements deviennent hostiles ? Allez dire à un malade atteint de la covid-19, proche de la mort : « ne vous en faites pas, que vous viviez ou que vous mouriez vous n’y pouvez rien, alors il vous suffit d’accepter votre sort ». Oui peut-être mais avant d’en arriver là, n’a-t-il pas besoin plutôt de compassion, d’écoute pour qu’il puisse exprimer toute sa détresse ou sa colère et de paroles d’espérance, et de projets, même à très court terme. Admettons encore que ‟l’acceptation” soit possible dans cette circonstance, avec de ‟l’entrainement″… puisque la mort est inéluctable pour chacun d’entre nous. Et c’est d’ailleurs ce que nous a enseigné l’accompagnement des patients en soins palliatifs : après une phase de déni survient des périodes de colère puis de marchandage parfois de dépression avant que le patient ne parvienne à une certaine sérénité à l’approche de la mort (étape d’acceptation ?). Mais quand il s’agit de situations d’injustice, de violence… Peut-on accepter de la même façon (avec la même ‟indifférence positive″), la guerre, Auschwitz, le terrorisme, la violence sous toutes ses formes ? On aimerait pouvoir dire à ce cher Stobée que sa doctrine a quelque chose de révoltant dans ces situations !

    3) Alors quelle attitude choisir face à cette complexité ?
    - Pour les plus pessimistes, aucun avenir n’est possible, il est désormais trop tard pour éviter à notre planète une catastrophe globale, sanitaire, environnementale, économique… Amor fati. Telle pourrait être l’attitude des collapsologues les plus radicaux. Sont-ils pour autant stoïciens ?
    - A l’inverse les optimistes diront : « ce n’est pas vrai, on nous raconte des histoires. De toute façon la technique (ou le Père Noël, ou Jésus-Christ ou … ?) trouvera la solution pour nous ‟sauver″ du désastre ». On retrouve des traces de ce déni de la réalité du drame annoncé dans certaines théories complotistes ou chez certains septiques de tout poil (climato- et autres).
    - N’y aurait-il pas une posture intermédiaire qui consisterait à accepter le monde tel qu’il est c-à-d affronter la réalité dans toute sa complexité, en cherchant à la cerner du mieux possible par une approche pluridisciplinaire et dans le même temps nourrir notre besoin de sens en proposant des raisons d’espérer et donc en ouvrant sur un avenir, le désespoir étant le sentiment le plus toxique qui soit et le plus démobilisateur ; la désespérance inhibe tout projet et toute action, alors peut-on vivre sans le moindre espoir ?
    Faut-il encore s’entendre sur les raisons d’espérer. A l’instar des stoïciens qui distinguaient une indifférence négative d’une indifférence positive, ne peut-on proposer une espérance active par opposition à une espérance passive telle que la concevait Marx lorsqu’il accusait la religion d’être l’opium du peuple. L’espérance active au contraire est celle qui est mobilisatrice, attitude plus proche de l’Espérance chrétienne… Et pour plagier Simone Weil, j’oserais affirmer :
    « Or, ce qui n’est pas en notre pouvoir est opportunité… pour se mobiliser collectivement »
    « L’éducation philosophique consiste à apprendre à vouloir espérer »
    Mais il s’agit là d’un tout autre sujet et d’une autre philosophie qui pourrait faire l’objet d’une prochaine dispute… l’espérance ne faisant manifestement pas partie de la pensée stoïcienne !

    Maurice Baron

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