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  • Homélie du dimanche 8 juillet 2012, 14e ordinaire.

    Nul n’est prophète en son pays. Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus se dit prophète.

    Cherchons ensemble
    1. Ce qu’est un prophète
    2. Un exemple d’aujourd’hui, avec Vatican II
    3. A recevoir

    1. « L’Esprit vînt en moi, il me fit mettre debout. »

    Ainsi parle prophète Ezéchiel, cinq ou six siècles avant le Christ,
    ainsi parlent tous les prophètes de la Bible : des hommes debout pour porter la Parole face au peuple,
    ainsi se présente Jésus à Nazareth.
    Ah ! que le vent des prophètes se lève dans ton peuple, Seigneur, en notre temps !
    Pas des prédiseurs (on comprend souvent mal ce qu’est un prophète), pas des diseurs de bonne aventure, mais des témoins de l’absolu de Dieu, dont l’avenir fait partie mais secondairement, des porte-paroles de Dieu.
    Pas des législateurs qui perfectionnent une loi à coups d’amendements, ou comme des sages qui peaufinent leur pensée.
    Mais une parole au souffle de l’Esprit, une parole forte, qui bouscule, à contre-courant de l’ambiance du monde, parole percutante, qui, chaque fois, dénonce le mal, parole neuve, qui étonne, interpelle, parole dérangeante, qui demande une mise en application, une obéissance, parole transparente à ce que Dieu demande en telle ou telle circonstance.

    En France, on aimerait citer l’abbé Pierre avec ses coups de gueule (selon sa propre expression) à propos des sans logis ou des mal logés.
    En Amérique on connaît Martin-Luther King et sa lutte pour l’égalité des droits des noirs et des blancs à la fin des années 60.
    Il y a aussi des prises de parole collectives.

    Dans un village d’Amérique latine, une communauté locale de base (comme celles qui ont inspiré celles de notre diocèse) a fort à faire pour défendre les droits des paysans pauvres. Le chef de village présente au visiteur étranger leurs trois seuls livres : la Bible, les textes du concile Vatican II et les conclusions des évêques à la conférence de Medellin.

    2. Retenons voulez-vous les événements de Vatican II dont nous fêtons cette année le 50ème anniversaire de la première session.

    Tous les prêtres de ma génération vous diront le souffle et l’espérance soulevés par ce concile – comme un événement prophétique. Dès la première séance, des cardinaux français se sentent manipulés et font remettre à plat l’ordre du jour. Non par un coup de mauvaise humeur adolescente, mais par souci d’une plus grande liberté de parole, d’une plus grande fidélité à l’Esprit, cet Esprit Saint que prient ensemble les 3000 évêques au début de chaque séance. En voici les premiers mots sur l’image que Mgr Vion, notre évêque d’alors donna à chacun de ses prêtres :
    « Nous voici, Seigneur Saint-Esprit, nous voici dans notre pauvre condition de pécheurs, mais spécialement rassemblés en Ton Nom. Viens à nous et sois avec nous. Daigne pénétrer nos cœurs. Montre-nous notre devoir et notre route. Apprends-nous ce que nous avons à faire pour qu’avec Ton secours nous puissions Te plaire en tout… »

    Et vous savez la suite, à grands traits :

    • La réforme liturgique
    • L’ouverture de l’Eglise au monde de ce temps
    • Les conférences épiscopales, la restauration du diaconat permanent
    • Le sacerdoce des baptisés – le laïcat
    • L’unité des chrétiens (30 observateurs des Eglises séparées, au début, 120 à la fin, sans droit de vote certes, mais très écoutés dans les couloirs)
    • Le dialogue interreligieux.

    Et j’en passe, tous votés à la quasi unanimité.

    Il y faut bien sûr des décrets d’application. Deux papes sont concernés : Jean XXIII et Paul VI.
    Jean-Paul II prendra leurs deux noms pour bien signifier la suite, la mise en œuvre de l’événement prophétique. Alors tout est dit ?
    Non. Cause toujours, tu m’intéresses !

    3. Quelle en est la réception dans un monde marqué par des mutations rapides : fin des empires coloniaux, britannique, français et russe. Mai 68, le développement mondial jusqu’aux crises actuelles.

    En Eglise les grandes mutations étaient déjà commencées bien avant le Concile : sécularisation, baisse des vocations (depuis 1940 en France). Alors ?
    Alors garder le cap, sans vouloir accuser Vatican II , mais bien plutôt l’indifférence de notre cœur.

    Mais revenons à Nazareth. « Nul n’est prophète en son pays » dit Jésus (c’est devenu chez nous un dicton). Dans son village tout le monde se connaît. Sa famille n’a rien de plus que les autres. Mais Jésus tranche, en bien certes. Dans la synagogue, un sage, ce n’est pas trop compromettant.
    Un guérisseur ? Tant mieux. Mais les originaux, on n’aime pas trop. Et Jésus, puisqu’il se dit prophète, est mal reçu. Certes, en vrai prophète, il n’attire pas l’attention sur lui (comme le font les gourous), mais sur Dieu. Il s’engage dans sa parole, souffre pour elle. Et vous savez où ça le mènera. « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté. »

    A Ezéchiel, le Seigneur disait déjà : «  Qu’ils écoutent ou qu’ils s’y refusent, ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. » La réception d’une parole prophétique est toujours difficile : elle met le doigt où ça fait mal. Mais son pro-jet, sa projection en avant, fait son chemin. A nous de l’accueillir et d’y travailler.

    Peuple de baptisés, peuple de prophètes, que souffle en toi le vent de l’Esprit et continue à recevoir fidèlement sa Parole.

    Père Jacques Lefèbvre