• Logo
  • Une façon nouvelle de poser la question de l’Identité


    Une question mal posée ?

    La question de l’identité revient sans cesse en ce moment à tous niveaux, politique, social, religieux. Pour en renouveler l’approche, sortons de l’ornière de l’identité vue de façon « fermée » : l’identité serait ce qui me différencie des autres, ce que j’ai ou ce que je suis en opposition à ce que les autres n’ont pas et ne sont pas. Ne sommes-nous pas là dans une voie sans issue ? Pour y réfléchir, je recommande la lecture du livre d’Amin Maalouf : « Les identités meurtrières ».

    Identité : ce qui fait ce que je suis

    Poitevin ?
    Qu’est-ce que ça veut dire « identité » ? C’est ce qui fait ce que je suis aujourd’hui et ce que je peux devenir demain. Je peux l’avoir en commun avec beaucoup d’hommes et de femmes. Cela ne me gêne pas, au contraire. J’ai en commun avec environ 700.000 personnes d’être Poitevin, dans ce Seuil du Poitou, lieu de passage et de brassage. Ce n’est pas très glorieux, mais ce n’est pas sans raison que l’on compte au moins trois batailles de Poitiers ; pour faire vite : Clovis et les Visigoths, Charles Martel et les Sarrazins, Jean le Bon et les Anglais.

    Français ? et autre ?
    Être Poitevin entre-t-il en concurrence avec le fait d’être Français comme soixante six millions d’êtres humains, dans cette France qui est, depuis des millénaires, un haut lieu du « mixage » des peuples ? Neandertal et Cro-Magnon, Celtes, Gaulois, Grecs, Romains, Francs, Vandales, Visigoths, Ostrogoths… et autres Goths, comme dirait Astérix, sans parler des Maures (Sarrazins), Italiens, Espagnols, Portugais, Polonais, Arabes…et, heureusement, j’en oublie ! Cela dépend-il de moi que je sois français plutôt que malais, russe, bantou, japonais, amérindien ou quelqu’un des 7 ou 8 milliards d’habitants de la planète (être né quelque part…, chante Maxime Le Forestier…) ?

    Mon (notre) identité : être(s) de relation

    Ce qui fait ce que je suis, ce n’est pas ce que j’ai et que l’autre n’a pas, c’est ma capacité à entrer en relation, puisque je suis, dès l’origine, le fruit d’une relation…. et ça continue tout au long de ma vie. Cette capacité, je l’ai en commun avec tous les hommes, c’est notre marque de fabrique, nous la portons dans nos gènes ; ça ne me gêne pas que les autres hommes puissent l’avoir tout comme moi. Au contraire, cela me rapproche d’eux.

    Identité : qu’en faisons-nous, aujourd’hui et demain ?

    La question est de savoir ce que je vais en faire ; comment vais-je me construire et construire ce monde en accueillant et en donnant ? Je me définis moins par rapport à un passé, dont j’ai cependant conscience et où je plonge mes racines, que par rapport à ce que je vis avec les autres aujourd’hui et ce que je veux faire avec eux demain. Mon identité n’est pas quelque chose de clos, de défini pour toujours. Je le répète : c’est ce que je veux faire : quel projet, quel avenir voulons-nous construire ensemble ?

    Oser dire…

    J’entends dire que des catholiques pratiquants (et en particulier des jeunes) sont de plus en plus tentés par les « thèses identitaires » venant de l’extrême droite (réflexe de défense ?). « On » me dit que ça ne sert à rien de dénoncer ces tendances et qu’il faut sortir du « C’est bien … C’est pas bien » …, qu’ils risquent de se sentir humiliés, rejetés, dans leur choix. Je ne veux ni humilier, ni rejeter personne. Mais il m’est impossible de ne pas dénoncer le rejet de l’autre parce qu’il est autre, la xénophobie, le repli sur soi, la défense d’une prétendue « civilisation chrétienne » qui relève plus de Maurras que de Jésus Christ. Si on se tait par peur de voir partir nos « derniers clients », on risque fort de voir la véritable « défense des droits de l’Homme », qui irrite tant Eric Zemmour, quitter nos lieux d’Eglise et se retrouver dans un ailleurs où la référence à l’Evangile n’a vraiment pas beaucoup d’écho.

    Identité : carapace… ou colonne vertébrale et Esprit ?

    Depuis longtemps, j’ai évacué toute peur de l’autre qui, apparemment, ne pense pas, ne vit pas comme moi. Si je me fie au superficiel, aux apparences, je dois me méfier de lui, me prémunir contre lui par une sorte de carapace. Mais ma longue expérience m’apprend juste le contraire : c’est l’ouverture qui me rend solide, c’est le changement de regard sur l’autre qui répond à ma véritable identité : être de relation. J’aime les courants d’air ! Peut-être bien que c’est l’Esprit qui souffle, mais depuis le dialogue d’un certain Jésus avec Nicodème (Jean 3, 8), Il souffle où il veut … et c’est délicieusement dangereux !

    P. Joseph Chesseron
    janv 2017