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  • La fille de Marie

    C’est Noël. Tous se réjouissent. À tout Seigneur, tout honneur, Dieu le Père, qui vient d’envoyer son Fils pour sauver tous les hommes ; Joseph, le père devant les humains, fier d’avoir un fils ; les anges qui chantent la gloire de Dieu ; les bergers qui découvrent, avec émerveillement, ce petit d’homme, qui est aussi Dieu. Penchée, sur la crèche où dort le petit, Marie, seule, pleure à chaudes larmes. Jo­seph, étonné, lui demande : « Qu’est-ce qu’il y a, Marie ? » « J’aurais préféré une fille ! »

    En cette période de féminisme (exacerbé ?), ce trait d’humour me pose une question : « Pour­quoi Dieu, s’est-il incarné comme homme plutôt que comme femme ? » Sans doute, la question n’est-elle pas, à proprement parler, théologique. Prudemment, le credo en grec nous dit : « Il entra dans l’humanité (dans l’« être-humain », auraient dit les Existentialistes) et, en latin : « Il devint être humain » (et homo factus est). La question n’en reste pas moins importante, pour un esprit contemporain. Fallait-il, en effet, que le sauveur fût un homme ? En français, le concept d’homme présente une ambiguïté. Il signifie, en effet, à la fois l’être humain (anthrôpos, homo), donc autant la femme et l’homme, que l’homme op­posé à la femme (anèr, vir).

    L’essentiel n’est pas que le sauveur soit un homme, mais qu’il ait été un être humain, comme nous. Ayant la même vie que nous, les même joies et les mêmes peines, des ami et des ennemis, une nais­sance et une mort ! C’est ce que pensent les théologiens.

    N’empêche que, concrètement, il fallait bien qu’il soit l’un ou l’autre. Que le sauveur ait été homme, par son sexe, relève de la civilisation et des mœurs de son temps. La place de la femme était à la maison. A elle, la soumission et l’obéissance. L’homme, lui, agit et commande. Il aurait été scandaleux qu’elle parle dans la synagogue et ait des disciples. A cette époque, un homme public est loué, une femme publique est honnie. C’est une femme de rien, de mauvaise vie, une prostituée (que Jésus se plaît à louer, avec le « mauvais esprit », qui le caractérise) (Luc 7, 47-48 ;Mt 21, 31 ). Pour être entendue et acceptée, la Bonne Nouvelle ne pouvait être portée que par un homme. Déjà, le prophète Isaïe s’en réjouissait :
    « Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ». Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers ! » (9, 5-6).

    Pas question de fille !

    Si le Père avait choisi notre époque pour nous annoncer la Bonne Nouvelle du salut, peut-être nous aurait-il envoyé sa Fille … Qui sait ?

    Alain.