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  • Mc 14, 12-16.22-26

    Mc 14, 12-16.22-26

    La fête du Saint-Sacrement

    Il est un mot du vocabulaire liturgique que nous employons peu dans notre culture… si ce n’est pour en faire des slogans publicitaires ! Tout sacrifier pour l’Amour de Dieu… Tel était, par exemple, le titre d’une émission de Jean-Luc DELARUE, qui, en son temps, voulait découvrir le parcours de femmes et d’hommes qui voulaient servir Dieu. Titre tant évocateur que provocateur : quel sacrifice fait-on en ayant une vocation spécifique ? N’y a-t-il pas une part de sacrifice par telle ou telle profession au service du bien commun et même par la vie de famille ? Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est d’offrir sa vie. « Je vous exhorte à présenter à Dieu votre personne tout entière, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte » (Rm 12, 1). Après Jésus, le sacrifice n’est donc pas une privation, mais une offrande. Voilà le sens chrétien développé dans les lectures de ce jour. Offrir sa vie. Voilà qui doit nous ramener à l’essentiel !

    Au temps de Jésus, la Pâque était la fête qui commémorait la libération du Peuple de l’esclavage. L’insistance du début de l’Évangile sur les préparatifs vont en ce sens : il fallait observer les règles pour se souvenir de la grâce faite par Dieu. Si Dieu a pris soin de son Peuple en lui permettant d’être affranchi de la mort, et de la servitude, il a surtout donné un sens nouveau à son Alliance : il a tout donné. Autrement dit, nous rendons grâce parce que le Seigneur nous libère de toutes nos servitudes, mais plus encore parce qu’il donne sa vie pour nous. Que signifie donner sa vie, si ce n’est, humblement, être davantage tourné vers les autres ? Quand nous disons que le Christ a tout donné pour nous, nous affirmons que Dieu a mis l’humanité au cœur de sa vie, et qu’il s’est anéanti pour elle-même (Ph 2, 8).

    L’autre nouveauté de l’Évangile, c’est que ce don, bien que fait une fois pour toutes, est actualisé à chaque fois que, comme lui, nous nous offrons par son Corps et son Sang. À la messe, nous faisons mémoire, c’est-à-dire qu’ici et maintenant nous acceptons de donner de nouveau notre vie. Venir ici, à la messe, c’est s’engager de nouveau à tout donner pour Dieu sans ronchonner, ni esquiver. Il est trop simple de vouloir tout donner sur le papier, mais d’être incapable du moindre effort. Trop simple de vouloir tout donner en continuant de s’enorgueillir soi-même du petit pas que nous avons posé. Trop simple de vouloir tout donner en oubliant le Christ qui seul a déjà tout donné, vraiment, pleinement. Notez ici que si chacun d’entre nous, librement, est invité à tout donner à Dieu, nous le faisons dans un même geste, communautaire. Car c’est ensemble, en Église, qu’il faut apprendre à tout donner comme Dieu lui-même, jusqu’à l’extrême (Jn 13, 1).

    Sœurs et frères, que j’aimerais que cette fête du Saint-Sacrement nous ouvre à un vocabulaire plus ajusté : il nous faut articuler sacrifice, mémoire et action de grâce pour saisir plus fondamentalement ce qu’est la messe. Dans quelques mois, nous aurons un nouveau missel romain qui nous invitera sans doute à réfléchir au sens des mots. Justement, celui de sacrifice sera plus présent : « priez, sœurs et frères, pour que mon sacrifice, et le vôtre, soient agréables à Dieu le Père tout-puissant » vais-je alors prononcer. Après la liturgie de la Parole, la réponse du Peuple chrétien est double : il veut rendre grâce, mais il ne le fait pas qu’avec des mots. Il dit qu’il est prêt à offrir sa vie à Dieu, comme lui. Voilà ce qu’est rendre grâce et faire mémoire. Et l’un et l’autre ne sont possibles que par un désir plus ardent de sacrifice-offrande. Nous avons l’art, parfois, de déposer deux piécettes – ou mieux, des billets ! – en oubliant qu’elles sont le signe d’un engagement, comme l’est notre réponse au prêtre qui invite à prier « au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église ».
    Comme Charles de Foucauld, redisons donc cet acte d’offrande en y engageant, humblement, toute notre vie :
    « Mon Père, mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira. Quoi que tu fasses, je te remercie, je suis prêt à tout, j’accepte tout. Car tu es mon Père, je m’abandonne à toi. Car tu es mon Père, je me confie en toi ».
    Amen.

    P. Julien DUPONT
    dimanche 6 juin 2021 - Messe de 18h à l’église St-André de Niort