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  • Homélie de la messe de Rentrée de la paroisse St-Pierre-St-Paul de Niort - dimanche 24 septembre 2023

    Homélie de la messe de Rentrée de la paroisse St-Pierre-St-Paul de Niort - dimanche 24 septembre 2023

    « La mesure de l’Amour, c’est d’aimer sans mesure ». Cette citation de saint Augustin, reprise par saint Bernard de Clairvaux (in De diligendo Deo) est sans doute le plus beau commentaire de cette page d’Évangile… Mais cette maxime peut aussi être la devise qui guide notre année pastorale !

    « Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi » dit Dieu (verset 14). Oui, le premier à donner sans mesure, tel un amoureux, c’est Dieu lui-même ! Cette page d’Évangile n’est absolument pas le déploiement d’une politique de Ressources Humaines ou une méditation sur la distinction entre stricte égalité et juste équité. Ce n’est pas non plus ce qui guide la Doctrine Sociale de l’Église. Bien plus, cette Parole de Dieu nous fait méditer sur le sens d’un don libre, qui n’attend rien en retour. Comme tout Amour, librement donné. Vous, scouts, chantez justement avec entrain la prière qui insiste sur ce point : « Seigneur, apprends-nous à être généreux (…) à donner sans compter (…) sans attendre de récompense ». Prier ainsi, c’est vouloir vivre comme le Christ, dans ce don sans mesure.

    Bien sûr, cela n’est pas dans la logique de notre temps, ni de notre monde. Le besoin d’amour, d’estime ou de réalisation de soi est fort, et nous comptons tous pour avoir au prorata de ce que nous avons donné. Cela est bien légitime pour nos raisonnements humains. En notre temps, ceux qui travaillent peuvent, nous l’espérons, gagner plus… Pourtant, pour nous qui cherchons à vivre de notre baptême, à la suite du Christ qui aime sans compter, nous ne devrions plus être enfermés dans cette logique. Dieu, lui, ne compte pas… mais il compte toujours sur chacun de nous ! Il nous veut avec nos dons, nos charismes et nos errances. Dieu a besoin de nous tous, et c’est ce qui prime sur toute logique comptable. Remarquez d’ailleurs que le Seigneur est si généreux, qu’il nous aime tellement, qu’il ne cesse jamais d’embaucher ! De bon matin, à neuf heures, midi, trois et cinq heures, il « sort » (verset 3.5.6). Il ne cesse de sortir parce qu’il nous attend, ici et maintenant. Il compte sur nous, individuellement et communautairement.

    La seule question qui peut rester aujourd’hui concerne cette notion de justesse de Dieu. Par sa générosité absolue, par cette manière de ne pas compter, il ne semble ni juste, ni équitable à hauteur humaine. Ainsi, si Dieu aime largement, généreusement, sans une logique comptable – mais plutôt selon une logique commutative et non distributive – à quoi bon aller à la messe ou se lever à 6 heures du matin pour préparer cette célébration ? Pire, si nous donnons 5, 30 ou 75 ans de notre vie au service de l’Église du Christ dans ses différentes institutions – établissements scolaires ou universitaires, paroisse ou diocèse, mouvements ou associations – Dieu ne comptera pas tout cela ? Absolument pas, car Dieu ne compte pas à la manière des hommes. En revanche, il est certain que ces engagements nous permettent déjà de vivre, par anticipation, en communion avec Lui. Quelle grâce de vivre dès à présent en communion avec Dieu ! Quelle grâce de vouloir, ici et maintenant, vivre de cet Amour infini ! Savez-vous qu’il y a, tout autour de nous, de nombreuses personnes qui cherchent à vivre en communion ? Certains sont connus, d’autres pas. Certains sont appréciés, d’autres moins. Certains sont sollicités, d’autres moins. Certains sont baptisés, d’autres pas. Et pourtant, tous cherchent cette communion avec Dieu, sans attendre un salaire quelconque, parce que notre vie graciée est infiniment plus précieuse que tout denier.

    L’Église que nous sommes tous a besoin de cette communion, vécue grâce à la diversité de talents des uns et des autres. L’ouvrier de la première heure a besoin de celui qui arrive en dernière minute, avec son sang neuf… Les personnes qui prennent soin des migrants ont besoin de ceux qui prennent une heure d’adoration par semaine… Les catéchistes ont besoin des théologiens… Les personnes engagées dans une pastorale des funérailles ont besoin de celles et ceux qui comptent les quêtes chaque semaine… La liste est longue. Nous avons tous besoin les uns des autres pour vivre cette communion. Pas pour être plus forts, plus riches, plus aimés… ou pour thésauriser. Quelle joie ai-je, en paroisse, de pouvoir appeler largement car la moisson est abondante ! Quelle joie ai-je aussi de voir chacun se former pour mieux répondre aux défis de notre temps ! Quelle joie ai-je enfin de bâtir les ponts autant que possible, pour relier une diversité d’acteurs !

    En débutant cette année, ayons à cœur de tout faire pour aimer, comme lui, sans mesure… et de le faire avec les talents, les charismes que Dieu nous a donnés. Prompt ou lent à répondre aux appels de Dieu, ne cessons jamais d’aimer, comme lui, sans mesure. Permettez-moi, non comme une recette, mais comme un ardent désir, de nous donner trois moyens ordinaires pour vivre cette communion dès ici-bas.

    • D’abord, en se souvenant de tout ce que l’on a reçu. Personne ne peut donner sans avoir préalablement reçu. Nos parents, nos chefs, des ministres ordonnés… Beaucoup ont donné le meilleur pour nous. Pour que nous donnions à notre tour, acceptons de reconnaître que nous avons tout reçu d’autrui (1 Co 4, 7 ou 1 Co 15, 3).
    • Ensuite, ne nous comparons pas à notre voisin ! Dieu donne ce qui est bon pour chacun, selon les charismes. Celui qui nous est proche n’a pas plus ou moins… C’est toujours pour le bien du Corps entier – d’une paroisse, d’un mouvement, etc. – qu’on se donne (1 Co 12, 4-11).
    • Enfin, il nous faut résolument choisir d’aimer. Ou, dit autrement, aimer suppose de renoncer à nos envies de toute puissance, d’être au centre de tout, de chercher pouvoir et reconnaissance. Pour aimer, Jésus-Christ a tout reçu du Père et dans la puissance de l’Esprit « s’est abaissé » (Ph 2, 8).

    Mes amis, vous le savez, le pape François est venu à Marseille. Nous l’avons entendu défendre toute vie humaine, de sa conception jusqu’à sa mort. Il a insisté sur la dignité de chacun. D’une certaine manière, nous l’avons surtout entendu nous rappeler un précepte, cher à Bernanos qui insistait sur le secret du bonheur. Est-ce d’avoir plus d’une pièce d’un denier pour être heureux ? Non ! mais «  Être capable de trouver sa joie dans la joie de l’autre, voilà le secret du bonheur » affirmait Bernanos. Soyons de ces ouvriers qui nous réjouissons de l’autre, ouvrier comme nous. Non pas parce que nous avons tous la même chose, le même salaire, mais parce que nous avons tous la même destinée, celle d’être en communion. Amen.

    P. Julien DUPONT