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    André TALBOT
    le 10 mars 2022

    Dossier d’information : Éthique sociale en Église N° 42

    + Un regard sur notre monde, pour partager quelques questions et cultiver l’espérance.
    Propos offerts pour être partagés.*

    # DIÈSE : Un demi-ton au-dessus du bruit de fond médiatique

    L’actualité dramatique nous oblige à recentrer nos débats sur des points essentiels.

    1 – Regarder en face les enjeux de vie et de mort

    Nous avons pu nous laisser bercer par l’illusion d’une vie commune sans drame majeur, dans la paix et la tranquillité. Au point que la campagne électorale se nourrissait de petites phrases, mais rarement de projets concernant le système de santé (y compris pour la prise en charge des personnes âgées), l’écologie, la justice et la paix dans le monde. Il est toujours dangereux de faire comme s’il n’y avait pas une face tragique dans nos histoires humaines. Déjà, la pandémie nous a conduits à faire preuve de solidarité face à une maladie imprévue. Avec quelque légèreté, le mot « guerre » a été employé pour évoquer les manières de faire face au Covid. Mais aujourd’hui, nous avons sous les yeux ce que signifie la guerre dans toute son horreur.

    2 – Considérer le danger de pouvoirs autoritaires et tyranniques

    La pandémie n’a été décidée par personne tandis que la guerre en Ukraine est causée par un dictateur qui fait passer ses obsessions et ses envies de domination avant le respect des règles élémentaires de la vie internationale. Il provoque des drames qui sont le signe de son mépris pour la dignité et la vie humaine. Demeurons vigilants face à ceux qui se rêvent en autocrates, maîtres de la vie et de la mort ; ils ne manquent pas en notre monde.
    Rappelons-nous que des voix, y compris parmi les candidats aux élections, se sont élevées pour chanter les mérites d’un tyran qui prenait tous les moyens, y compris les plus abjects, pour imposer ses vues. Des personnages politiques de premier plan se sont compromis avec lui pour « faire des affaires », en quête d’un argent qui fait peu de cas de la dignité humaine. Ils se font plus discrets, mais n’oublions pas leurs discours de ces dernières semaines.
    Nous pouvons en tirer deux leçons. Le risque d’une fascination pour la force la plus brutale, qui va jusqu’à encenser des personnages pervers et dangereux. Un critère : une politique précise sert-elle la vie actuelle et à venir, ou sème-t-elle la mort sans aucune considération pour les souffrances humaines et les destructions ? Positivement, ce drame doit nous pousser à promouvoir la vie démocratique, avec de solides contre pouvoirs, pour qu’un personnage n’en vienne pas à confondre ses délires de puissance avec le bien commun. Une centralisation extrême du pouvoir demeure toujours dangereuse ; il est urgent de s’en souvenir lors d’une campagne électorale.

    3 – Accueillir des personnes en danger

    L’une des conséquences du drame qui se joue en Ukraine est un afflux de réfugiés aux frontières de l’Union européenne. Nous voyons les images de femmes, avec des enfants en bas âge, en quête d’un abri sûr. On peut noter une encourageante mobilisation populaire qui bouscule parfois des responsables peu enclins à s’engager. Il faut donc nous préparer à accueillir et à soutenir les victimes d’une épreuve non choisie. Certains, y compris parmi les candidats aux élections, sont tellement obsédés par la fermeture des frontières qu’ils s’empressent de mettre des conditions à un tel accueil d’urgence.
    Le journal La Croix du 15 février a décrit sur deux pages les murs et les clôtures de barbelés qui sont en train de défigurer les frontières de l’Union européenne. Nous sommes prompts à évoquer des « valeurs », parfois jusqu’à prétendre donner des leçons d’humanisme au monde entier ; mais quel visage en donnons-nous en érigeant des murs ? Quelles solidarités sommes-nous prêts à déployer à l’égard des membres les plus fragiles de notre « famille humaine » ?

    4 – Résister et préparer un avenir de paix

    * Un conflit à nos portes rappelle l’importance de la défense, de manière à résister à ceux qui usent de la force pour s’imposer et dominer, pour apeurer et asservir. En plus de la dimension militaire, il est important de promouvoir une culture de résistance populaire, ce qui implique une éducation au courage. Justement, en raison de la pandémie, nous saluons la force morale des soignants et de tous ceux qui s’engagent pour que la vie puisse continuer. Mais il ne suffit pas d’applaudir. Comment les efforts sont-ils justement répartis ? Comment chacun développe-t-il son propre courage pour assumer sa part au service du bien commun, pour faire face avec les autres aux défis qui se présentent.
    * Il ne faut pas tout attendre de la seule défense militaire. D’autant que les actes de guerre ne suffisent pas pour résoudre les problèmes. Nous avons vu que des années de guerre en Afghanistan, avec de nombreuses victimes, ont abouti à une situation aussi dramatique, voire plus, que celle qu’elles se proposaient de réparer. Sur un autre plan, l’intervention française au Sahel n’aboutit pas en raison de l’absence d’une politique de développement ; le délabrement du système éducatif, dont les filles sont les premières victimes, handicape gravement l’avenir de ces régions. Il faut cesser de croire que la guerre, à elle seule, peut être la solution à des problèmes de violence. « Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. » (Pape François, Fratelli tutti, 261)

    5 – Envisager un désarmement nucléaire

    Nous avons entendu l’évocation de l’arme nucléaire, comme une menace à peine voilée, dans le conflit en Ukraine. Entendons ces mots du pape François : « La paix et la stabilité internationales ne peuvent être fondées sur un faux sentiment de sécurité, sur la menace d’une destruction réciproque ou d’un anéantissement total. » (FT 262) La bombe atomique est bien une arme de destruction massive, avec des conséquences désastreuses à long terme, nous ne sommes jamais à l’abri d’un accident ou de la décision d’un fou.
    La période actuelle n’y est guère favorable, mais il ne faut pas perdre de vue l’importance d’un désarmement nucléaire mondial. Une occasion a été manquée dans les années 1990. Les politiques s’honoreraient de promouvoir un tel projet, pour être prêts à engager des négociations dès que le temps sera plus favorable. Pourquoi n’en parle-t-on pas dans la campagne électorale ?

    6 – Des appels

    * Un appel à la raison pour contrer les théories du complot et les réécritures tendancieuses de l’histoire, pour résister à la fascination envers la force brutale et les tyrans qui cherchent à s’entourer d’une cour d’admirateurs.
    * Un appel pour une sagesse courageuse, qui ne se complait pas dans une apparence de tranquillité égoïste, mais qui ose s’engager sur la voie d’une authentique fraternité universelle. Oui, il faut du courage pour travailler au service de la justice et de la paix.

    Rendez-vous dans un mois pour le prochain numéro de # DIÈSE