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  • IX Les Communautés Chrétiennes dans les Actes des Apôtres

    A la fin de notre étude des Actes des Apôtres, nous présentons les principales caractéristiques des Communautés Chrétiennes telles qu’elles apparaissent dans le texte. Dans un espace aussi court, tout ne sera pas dit. Ces quelques lignes ont aussi (et peut-être surtout) comme ambition d’inviter les Chrétiens à revisiter leur vie communautaire à la lumière donnée par l’Eglise des origines.

    Ces premières Communautés chrétiennes se reconnaissent comme animées par l’Esprit Saint, depuis la Pentecôte (Ac 2, 1-4) , en passant par l’entrée des premiers païens dans l’Eglise (Ac 10, 44-48), par les décisions prises à l’Assemblée de Jérusalem (l’Esprit Saint et nous-mêmes… - Ac 15, 28) jusqu’aux recommandations de Paul aux anciens d’Ephèse de prendre soin du troupeau que l’Esprit Saint leur a confié (Ac 20, 28). Notre Eglise est-elle prête, aujourd’hui, à se laisser bousculer par l’Esprit ?

    En même temps, elles s’organisent. Dès avant la Pentecôte, à l’initiative de Pierre, par l’adjonction de Matthias, le groupe des Douze, témoins de la Résurrection, se reconstitue (Ac 1, 15-26). Ils seront, pour ainsi dire, le noyau dur autour duquel tous se rassembleront. Quant à Paul, le missionnaire itinérant, il a lui aussi le souci de la continuité et de la solidité : il institue des « anciens » (Ac, 20, 17 ) responsables des communautés. Ils deviendront par la suite les presbytres (prêtres) ou les épiscopes (évêques). L’Eglise, d’aujourd’hui comme de tout temps, tout en veillant à lutter contre la sclérose qui guette toute institution, a besoin de responsables, qui soient au service de tous.

    Elles s’enracinent dans une Foi commune : c’est la première annonce faite par Pierre au jour de la Pentecôte : Jésus le Nazôréen … Dieu l’a ressuscité ; nous en sommes témoins » (Ac 2, 22-24). La Foi chrétienne, ce n’est pas un vague sentiment religieux plus ou moins déiste : elle se rapporte à Jésus, à sa mission venant du Père, à sa mort et à sa résurrection. Les Chrétiens ne croient pas en « quelque chose au-dessus d’eux » : ils mettent leur confiance en un Dieu qui, en Jésus, le Christ, est entré dans l’histoire des hommes.

    Elles « marchent sur deux jambes » : la prière et le partage : le texte le souligne dès le départ à deux reprises (Ac 2, 42-47 et 4, 23-37) même si ces deux passages sont à comprendre plus comme un idéal à poursuivre que comme une description de la réalité historique. Nous revoyons la communauté en prière quand Pierre est en prison (Ac 12, 12), quand Paul dit adieu à la communauté d’Ephèse (Ac 20, 36) ou à celle de Tyr (Ac 21, 5). (En dehors des Actes, la collecte des Eglises fondées par Paul en faveur de l’Eglise de Jérusalem a une grande importance ; la seule allusion qui en est faite se trouve en Ac 19, 17.) Pour prendre une autre comparaison « corporelle », les Communautés chrétiennes, pour vivre, auront toujours besoin de ces deux « poumons ».

    Elles font sans cesse référence à la première Alliance, du début à la fin des Actes : par leur refus de reconnaître Jésus, les autorités juives (et non le peuple juif dans son ensemble) sont présentées comme infidèles à cette Alliance, que la Nouvelle n’annule pas mais au contraire vient accomplir. (voir le discours d’Etienne : Ac 7, 1-53 ou les entretiens de Paul avec la communauté juive de Rome à la fin des Actes : Ac 28, 16-31). Il y a de quoi s’interroger sur la méconnaissance de certains Catholiques, encore aujourd’hui, à l’égard du Premier Testament.

    Elles s’efforcent de résoudre de façon originale les problèmes qui peuvent se poser à elles, par exemple, l’institution des Sept pour résoudre, à Jérusalem, le conflit entre ceux qui parlent hébreu et ceux qui parlent grec (Ac 6, 1-7) ou l’entrée des païens dans l’Eglise (Ac 15, 5-35). Confrontée à des problèmes nouveaux, l’Eglise d’aujourd’hui n’a-t-elle pas à faire preuve de la même imagination ? Les Actes des Apôtres ne donnent pas de recette automatique ; ils disent dans quel esprit ces problèmes doivent être abordés.

    Elles présentent une certaine autonomie et une grande variété dans leur composition. Elles peuvent être d’origine juive ou païenne, ou mixte : dans la même ville de Philippes, cohabitent une communauté d’origine juive autour de Lydie (Ac 16, 14-15) et une d’origine païenne (Ac 16, 33-34) avec le gardien de prison converti. La communauté est plutôt intellectuelle à Athènes (Ac 17, 34) ou plutôt populaire à Corinthe (Ac 18, 1-11). Ces premières Communautés nous invitent à ne pas confondre unité et uniformité. C’est un point important à creuser en ce mois de janvier où se situe la Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens : que les Eglises, malgré le poids de l’histoire et les divergences actuelles, s’efforcent d’être en lien les unes avec les autres, comme, par exemple, la Communauté d’Antioche avec celle de Jérusalem, au moment de la crise provoquée par l’entrée des païens dans l’Eglise (Ac 15, 1-3).

    Elles s’ouvrent à l’universel : elles refusent toute exclusion. L’action de Philippe l’Evangéliste est caractéristique : il crée une communauté chez les Samaritains haïs par les Juifs (Ac 8, 5-8) et accueille au baptême l’eunuque rejeté du culte à cause de son infirmité (Ac 8, 20-39). Pour mémoire, rappelons de nouveau l’entrée dans l’Eglise, grâce à Pierre, du premier non–juif, le centurion Corneille (Ac 10, 1-48), et surtout l’action de Paul qui est, dit Dieu à Ananias de Damas, « l’instrument que je me suis choisi pour répondre de mon Nom devant les nations païennes… » (Ac 9, 15). Aujourd’hui encore, tout repli de l’Eglise sur elle-même est contraire à sa mission, à ce que Dieu veut pour elle et pour le monde.

    En conclusion, l’auteur de ce modeste travail souhaite que les lecteurs, en ouvrant le livre des Actes et en se rapportant aux passages indiqués ici, jettent un regard renouvelé sur nos Communautés chrétiennes d’aujourd’hui et entendent l’appel pressant à une participation à la vie de ces Communautés.

    Joseph CHESSERON