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  • 3ème dimanche de Pâques, les disciples d’Emmaüs en vidéo-texte

    3ème de Pâques A - 26 avril 2020

    En ce troisième dimanche de Pâques nous entendons ce très beau récit des disciples d’Emmaüs, généralement reconnu comme récit de résurrection ; on est peut-être trop habitué à l’entendre et on ne se laisse plus surprendre.

    Que nous raconte t-il en effet ? L’histoire de deux disciples. La question est simple : qui ressuscite ? Qui reprend goût à la vie ? Qui renaît à la foi ?

    L’histoire racontée ne nous apprend pas seulement que Jésus est ressuscité, elle nous révèle la transformation qui touche les deux disciples.

    Au début, on les découvre tristes, quittant Jérusalem, comme si le groupe des disciples se défaisait, comme si le groupe des disciples mourrait.

    A la fin, on les voit joyeux, le cœur brûlant, et ils reviennent à Jérusalem. Le groupe des disciples se reconstitue, il renaît.

    L’Évangile ne nous raconte pas que la résurrection de Jésus, l’Évangile raconte les effets de la résurrection sur les disciples, sur le groupe, sur la communauté, sur l’Église.

    Dans la 1ère lecture déjà, Pierre le formule d’une façon simple : « il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous. »

    Je l’ai déjà dit le jour de Pâques : la foi en la résurrection pour les premiers chrétiens, mais aussi pour nous, n’est pas de l’ordre de l’opinion, ni de la conviction, mais de l’ordre de l’expérience. Nous expérimentons que la vie du ressuscité nous rejoint, nous fait renaître, comme les disciples d’Emmaüs qui sont passés de la démission à la mission.

    Ce que je dis là apparaît clairement le jour de la Pentecôte. A Pâques, nous fêtons le Christ qui sort vivant du tombeau ; à la Pentecôte, nous célébrons le groupe des disciples qui sort vivant de la maison verrouillée. C’est le même mouvement, la même dynamique, à ceci près qu’on réalise que la foi a pour finalité de participer vraiment à ce qu’à vécu Jésus le Christ, y compris quand il ressuscite.

    Il y a une deuxième surprise dans le récit d’Emmaüs. Quand Jésus ressuscité rejoint les disciples sur la route et dialogue avec eux, l’évangile nous dit qu’en « partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. »

    Voilà donc Jésus qui agit comme catéchiste et qui ouvre l’intelligence des disciples. Et c’est là qu’est la surprise : l’Évangile nous dit que Jésus a interprété, mais l’Évangile ne nous donne pas l’interprétation. On sait que Jésus a interprété, mais on ne connaît pas le contenu de l’interprétation.

    Nous sommes donc obligés d’inventer notre propre interprétation, notre propre catéchèse. La seule indication, sans doute, c’est que comme Jésus ressuscité, elle doit s’appuyer sur l’Écriture.

    Voyez comme c’est en fait merveilleux ! Si on avait le contenu de l’interprétation de Jésus ressuscité, il suffirait de répéter les mots de Jésus, on ne serait que des répétiteurs.

    Très vite, nous comprenons que l’annonce de la foi, c’est bien plus que répéter les paroles de Jésus, c’est vivre une démarche semblable à la sienne.

    Essayons de la préciser :
    - comme Jésus, nous allons être invités à rejoindre les personnes sur leur route, à marcher avec eux, à les accompagner pas à pas.
    - comme Jésus, nous allons être invités à entrer en dialogue avec eux, à recevoir leurs questions, leurs interrogations, et à cheminer patiemment.
    - et comme Jésus, avec eux, il nous faudra ouvrir les Écritures, et à leur éclairage, donner du sens à ce qui a été vécu.

    Mais il y a plus, parce que le récit nous conduit dans l’auberge d’Emmaüs, pour le partage du pain.

    Il est facile d’y voir une évocation de l’eucharistie, de la messe dont nous sommes actuellement privés en communauté.

    Après l’ouverture de l’intelligence, il y a l’ouverture des yeux. Certains ont vu dans le récit la structure même de notre messe :
    - le temps de la Parole, puis le temps de l’Eucharistie,
    - la table de la Parole, puis la table du pain partagé.
    On peut y voir aussi une articulation entre catéchèse et liturgie.
    - parler de Dieu dans la catéchèse, parler à Dieu dans la liturgie
    - parler du Christ ressuscité dans la catéchèse, et reconnaître sa présence dans le temps de la célébration.

    Donc je le redis, la foi ce n’est pas une opinion, ce n’est pas une conviction, c’est une expérience, un chemin, un partage, une reconnaissance de Dieu présent et vivant.

    Et le calendrier fait que nous entendons ce récit, en cette fin avril, le jour où nous faisons mémoire des déportés, et nous pouvons penser évidemment à tous ceux qui sont pris dans des conflits, qui sont encore aujourd’hui pris dans des tensions qui secouent le monde, qui déracinent des personnes et les maltraitent.

    Bernard Châtaignier