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  • La Rencontre de Jésus avec Zachée (Luc 5,19,1-10)

    Ce récit propre à Luc illustre le thème de la conversion, qui lui est particulièrement cher. Il y a un lien étroit qui unit cet épisode au précédent (Luc 18, 35-43).

    La scène se déroule cette fois, dans la traversée même de Jéricho.
    En cette finale de la montée à Jérusalem, la conversion du collecteur d’impôts manifeste en Jésus celui qui « est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (v.10).

    L’homme ici n’est pas un anonyme, et il est caractérisé d’abord par 2 traits de son statut social qui amènent le lecteur à hésiter sur ce que sera la finale de l’épisode. C’est un pécheur notoire, même si cela n’est pas dit dans le récit. C’est un collecteur d’impôts, un publicain, et même « un publicain en chef ».


    Il appartient à un groupe que Jésus fréquente et dont il partage les repas. En Luc 5,29,11, il est invité chez Lévi, avec d’autres collecteurs d’impôts, autour d’un grand festin. Ce que réprouvent les pharisiens et les scribes, disant aux disciples de Jésus : « Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ? » (Lc 5,30)
    À la différence de Matthieu et de Marc, Luc évite de nommer les collecteurs d’impôts « pécheurs ».

    Le premier obstacle que rencontre Zachée, c’est la présence même de la foule. Comme en Luc 18,35-39, elle s’interpose et, se conjuguant à la petite taille du personnage, l’empêche de voir qui est Jésus et, naturellement d’être vu de lui.

    Alors, au mépris de son rang social, car enfin il est « publicain en chef », au mépris de sa dignité, il court, comme un enfant, monter sur un sycomore. Cet arbre peut être fort grand, mais ses premières branches sont peu élevées.

    C’est alors que Jésus lève les yeux et prend l’initiative de s’inviter chez Zachée : « Zachée, descends vite : il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison ». Zachée, sans doute par pure curiosité, voulait voir Jésus, « voir qui il est ». Jésus, lui, ne se contente pas d’un regard furtif, jeté à la hâte. Il aurait d’ailleurs pu ne pas voir Zachée, considérant ce dernier comme un simple curieux, une personne sans intérêt particulier.

    Les mots de Jésus, « descends vite », et, surtout « il faut », traduisent l’irruption du salut qui s’accomplit dans l’« aujourd’hui » de cette rencontre entre Jésus et Zachée. Le mot « aujourd’hui » qui apparaît à maintes reprises, tant dans l’Evangile de Luc que dans le récit du livre des Actes des Apôtres, qui est son prolongement.

    À son tour, Zachée descend vite et accueille Jésus tout joyeux (Luc 9,6). Une joie spontanée, totalement imprévisible, suite à un échange qui n’en est pas vraiment un, car elle repose uniquement sur le regard de Jésus sur Zachée, et l’invitation qui lui est faite de descendre de son arbre. Zachée éprouve cette joie, très présente dans l’Evangile de Luc. À L’instar des bergers du récit de la Nativité qui, après avoir vu l’enfant (le nouveau-né) couché dans la mangeoire, « s’en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu » (Luc 2,20). D’ailleurs, les bergers allèrent également en hâte trouver Marie, Joseph, et le nouveau-né couché dans la mangeoire (Luc 2,16).

    Dans notre récit de la rencontre de Jésus avec Zachée, se dresse alors un nouvel obstacle à surmonter. Jésus est allé loger chez un pécheur (Luc 19,7). Tous murmurent, grondent, se rebellent contre le comportement de Jésus, renouvelant ainsi l’attitude des pharisiens et des scribes face à 2 autres situations identiques, en Luc 5,30 et Luc 15,2. Suivant les idées reçues chez les Juifs, la fréquentation des pécheurs entraîne une impureté.

    Ces gens préfigurent aussi ce que sera la réaction des chrétiens de Jérusalem qui prendront Pierre à partie en lui reprochant d’être entré chez des incirconcis et d’avoir mangé avec eux (Actes 11, 2-3).

    Zachée, quant à lui, annonce la décision qu’il prend maintenant, s’adressant au Seigneur et en le reconnaissant comme tel, à l’instar de l’aveugle de Jéricho, dans le chapitre précédent (Luc 18,41). Il va partager ses biens avec les pauvres, par libéralité. À ceux qu’il a pu léser, il va rendre le quadruple, ce qui dépasse les exigences de la loi juive et correspond à la peine du droit romain pour le vol manifeste. C’est là une générosité exceptionnelle.

    L’aumône pratiquée à une telle échelle et la réparation des torts causés, tout cela est le signe d’une conversion totale.

    En reprenant la parole (v.9), Jésus s’adresse tout autant à ceux qui ne supportent pas qu’on accepte l’hospitalité du pécheur, qu’à Zachée, devenu un pécheur repenti. La générosité de Zachée manifeste qu’il a reçu le Pardon et le Salut.

    En parlant à nouveau de l’« Aujourd’hui » du Salut, Jésus ne fait pas seulement allusion à l’aujourd’hui du séjour passager du maître dans la maison de Zachée, mais à l’aujourd’hui du Salut pour ceux qui y demeurent.
    En ajoutant que Zachée est « lui aussi un Fils d’Abraham » (Luc 19,9), Jésus ne le reconnaît pas d’abord dans sa filiation charnelle, mais dans son appartenance au peuple élu. Il appartient bien, désormais, à la race d’Abraham, le père des croyants.

    Malgré sa profession, qui le fait considérer comme un pécheur, Zachée est un digne fils du père des croyants par sa générosité. Ce qu’il a décidé de faire de son argent prouve qu’il appartient bien au peuple de Dieu.

    La conclusion de ce passage souligne le rôle de Jésus dans cette conversion. L’expression « Fils de l’homme », appartenant dans la Bible au genre Apocalyptique (révélation, dévoilement) est celle que Jésus emploie lorsqu’il s’identifie à la mission qui est la sienne, rendre visible, croyable, la Miséricorde Infinie du Père, là où elle n’est pas de prime abord pensable et prévisible.

    La Conversion de Zachée en témoigne.
    Père Jean-Marie Loiseau
    jeudi 17 novembre 2016

    Programme des 8 rencontres de Jésus dans l’Evangile par le père Jean-Marie Loiseau