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  • 12 août 2018 - Lettre du Père Clochard - Père Blanc à Ouagadougou

    Paroisse St Jean XXIII
    Ouagadougou

    Chers frères et sœurs, parents et amis,

    Je me décide enfin à sortir de mon silence prolongé. Je fais face à une situation nouvelle puisque je suis en train de quitter la paroisse St Jean XXIII pour une nouvelle étape plus tranquille de ma vie missionnaire. L’an passé à Rome, j’ai pu faire la session « Seniors » qui avait pour thème : « pour bien vieillir. » Je crois que c’est ce que je vais apprendre à faire désormais. Je suis nommé à une maison de Ouagadougou qui sert d’accueil des confrères de passage à Ouaga. Je serai là en résidence, mais en restant actif à la disposition des besoins du diocèse et de la paroisse qui est désormais la mienne, St Jean XXIII. On ne m’a pas chassé ! J’avais demandé depuis mon arrivée à Ouaga à être déchargé de la charge de curé après mon jubilé… Et bien, c’est fait.

    Je suis donc entrain de faire la passation de la paroisse à la nouvelle équipe. Le père Paul KItha, 33 ans, qui vient du Malawi et est celui qui va aider aussi à faire le passage puisqu’il a fait déjà 2 ans dans la paroisse, le curé sera Père Dominique Apee, 56 ans, qui vient du Ghana. Il a été provincial en son pays et formateur, et enfin, le père Jean Pierre Bondue, 81 ans mais bien en forme, qui vient de la maison de formation d’Abidjan.

    Personnellement, je compte bien avoir davantage de temps pour m’investir dans le dialogue interreligieux dont j’étais responsable au niveau du diocèse de Ouaga. En fait, ce travail du dialogue, spécialement entre chrétiens et musulmans me prenait et me prend encore beaucoup de temps, surtout dans le sens du suivi des couples islamo-chrétiens et aussi de la formation des comités paroissiaux. Mais je travaille avec une équipe de volontaires super motivés. Nous allons fêter la fête du mouton avec eux le 20 ou 21 août. Je peux même dire que ce seul travail pastoral peut suffire à occuper quelqu’un à plein temps… Je reste persuadé que c’est un enjeu majeur pour notre Église actuellement et pour notre pays étant donné la situation mondiale, régionale et locale dans les rapports interreligieux.

    Voilà pourquoi, j’ai été bien pris pour tous ces changements. Je suis heureux de l’expérience que j’ai vécue à la paroisse St Jean XXIII et j’y ai beaucoup d’amis qui, certainement viendront me rendre visite à ma nouvelle demeure.

    Mais je ne veux pas parler de moi seul ! Quelques nouvelles de la situation du pays… Elles ne sont pas excellentes, spécialement dans le Nord, à Aribinda où j’ai vécu moi-même. Cette région est la plus faible au plan sécuritaire parce qu’elle se situe entre Djibo et Dori qui ont une défense plus sérieuse par la gendarmerie et même l’armée. Mais à Aribinda, il s’agit de quelques éléments de sécurité. Les extrémistes l’ont bien compris et donc, s’appuyant sur des connivences locales, veulent imposer un islam à la façon des groupes islamistes radicaux et ils viennent du Mali pour faire des incursions, très armés, mobiles sur des motos et semant la terreur, tuant, enlevant des gens, détruisant les bars où il y a de l’alcool. Ils ont enlevé un catéchiste et sa femme, un pasteur et sa famille et failli prendre le catéchiste de Belhore et le responsable de la petite communauté chrétienne du coin, un infirmier chrétien et qui a beaucoup d’influence à cause de son professionnalisme et de son témoignage. Ce qui fait qu’aujourd’hui, dans cette région où j’ai pu vivre en paix et en collaboration avec tous, il est imprudent pour un « Nasara », un blanc, en plus français, il est imprudent d’y séjourner par crainte d’être enlevé et pris en otage. J’ai des nouvelles régulières de là-bas avec les amis que j’y ai laissés et qui me téléphonent. Régulièrement, il y a des attentats contre les forces de l’ordre : des mines sur les routes… des attaques rapides avec des jeunes bien armés… on se pose la question : qui donc les arme ? qui fabrique ces armes ? et c’est là que les choses sont liées, les responsabilités partagées… Pourtant ne croyez pas que je sois en danger à Ouaga, pas plus que vous dans une grande ville en France où ailleurs… mais c’est pour cela aussi que je dis qu’il est urgent de collaborer avec tous les gens de bonne volonté, musulmans ou non-musulmans pour continuer à dialoguer, à se connaitre, à s’entraider… et je peux dire que j’ai une grande chance de pouvoir travailler dans ce sens, aussi bien à la base en sensibilisant, en formant, dans la structure de l’Eglise du Burkina qui prend en compte ce défi. Il y a donc du pain sur la planche… et j’en suis heureux.

    Le 15 août, jour de la fête de l’Assomption de Marie, je reprends ma conversation avec vous. La préparation de la fête dans la paroisse et l’arrivée du nouveau curé m’a empêché de terminer… Une bonne occasion de vous souhaiter une très bonne fête à chacun, chacune de vous, à toutes les familles qui ont pu se retrouver. Beaucoup de souvenirs pour moi, l’an passé à Bord chez ma marraine, Thérèse et Joseph, en Auvergne… Aujourd’hui, j’ai beaucoup pensé à nos malades… une prière de foi pour chacun d’eux. J’ai pensé aussi à ceux qui ont rejoint la maison du Père. Là où nous croyons que Marie, elle, est arrivée et intercède désormais pour nous maintenant. Donc bonne fête.

    Et voilà que nous recommençons l’année pastorale avec aussi la reprise des écoles et autres activités. Je vous fais part d’une de mes craintes… Je vais voir arriver chez moi ceux qui me connaissent ici, à Ouaga, mais aussi qui me connaissent depuis 50 ans… et qui n’ont pas perdu mon adresse… et viendront demander l’aide pour leurs enfants à scolariser ou à soigner… Alors, humblement, je fais appel à tous ceux ou celles qui pourraient me donner un coup de mains. Et je vous dis merci pour ce que vous faites déjà pour me soutenir dans ma mission spécialement auprès de ces plus pauvres qui s’accrochent à moi, un des derniers « Père Blanc » blanc ! Il est possible de verser par les Pères Blancs de Paris « aux œuvres du père Clochard »avec possibilité d’avoir déduction d’impôts. Sinon mon CCP ; Joseph Clochard 20 890 97 N Paris.

    Je vous quitte en vous redisant toute ma sincère affection et mon amitié fraternelle. Je pense spécialement à ceux ou celles qui ont un deuil récent. Je prie avec vous à cette intention. Et aussi pour tous nos malades. Je leur souhaite beaucoup de courage et d’espérance. Ils ne sont pas seuls. Beaucoup les soutiennent de leur présence, de leurs prières, de leur amitié.

    Je vous embrasse tous de tout cœur.

    Jojo, ou Joseph, ou papy, ou tonton… qui vous aime.

    PS. Une bonne nouvelle : un détachement de gendarmerie est arrivé à Aribinda, dont je parlais et va pouvoir reprendre les choses en main.