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  • Jésus ressuscité et Marie-Madeleine (Marc 16, 9-11 / Jean 20, 11-18)

    La tradition manuscrite est très incertaine pour les versets 9-20 qui terminent, au chapitre 16, l’Evangile de Marc. Rédigés avec un vocabulaire et dans un style forts différents du reste de l’Evangile, rompant avec le cours du récit précédent (les femmes ne s’acquittent pas de la mission qui leur est confiée), ces versets 9-20 sont une sorte de sommaire des récits d’apparitions mentionnés par les autres Evangiles auquel sont jointes des allusions à des événements rapportés dans le livre des Actes des Apôtres (cf Marc 16,17-20). C’est, au dire des spécialistes, un passage manifestement rajouté pour atténuer le malaise causé par la finale abrupte de l’Evangile de Marc : la peur et la fuite des femmes hors du tombeau vide (Marc 16,8).

    Cet épisode n’est pas pour autant sans valeur : il appartient aux Ecritures inspirées. Il rejoint du reste les 3 autres Evangiles qui, tous, après le récit du tombeau ouvert, rapportent des apparitions de Jésus, aux femmes d’abord, aux disciples ensuite, au groupe des apôtres enfin (cf Mt 28,9-20 ; Luc 24,13-49 ; Jean 20,11-29). Mais le rédacteur qui a, composé cet épilogue l’a fait sous forme de « sommaire » reprenant, sans détails, des données de Luc (surtout) et de Jean.

    C’est d’abord l’apparition privilégiée à une femme des plus ferventes de ses « accompagnatrices » (Marc 16,9). Luc parle aussi de cette femme, fidèle à Jésus, en des termes analogues à ceux-ci (Luc 8, 2-3). C’est cette expression de la femme « aux 7 démons », le nombre 7 signifiant la plénitude, qui a fait de Marie-Madeleine, dans la tradition, une pécheresse repentie. Luc, quant à lui, ne précise pas s’il s’agit de maladie ou de possession (cf Luc 8,2). Encore moins si elle est la pécheresse de Luc 7, 36-50), comme on l’a souvent pensé. Jésus, chassait aussi les démons des malades (cf Marc 3,10-11). Marie-Madeleine n’a pas forcément été qu’une pécheresse patentée, écrasée par la puissance de l’emprise de Satan sur elle. Il ne s’agissait peut-être que d’une femme gravement malade qu’il a guérie.

    Dans les 4 Evangiles, comme ici Marie-Madeleine, ce sont bien les femmes qui ont cru les premières et sont devenues les premières missionnaires de la Bonne Nouvelle, alors qu’elles ne jouissent, à l’époque, d’aucun droit public (cf Marc 16,10-11).

    Nous disposons d’un vibrant écho de l’affliction profonde dans laquelle la mort de Jésus avait plongé ses disciples dans le récit détaillé de l’apparition de Jésus ressuscité à Marie-Madeleine, en Jean 20, 11-18.

    Une grande partie de la séquence est consacrée à la recherche, d’abord infructueuse, du corps de Jésus par Marie. Obsédée par sa quête, conduite par l’Amour, elle parle de Jésus comme de « mon Seigneur ». C’est le titre du « Ressuscité ». Aveuglée par sa douleur et son amour, Marie ne voit pas les êtres qui s’offrent à son regard, les 2 anges assis aux extrémités de la banquette où le corps avait été déposé. Ses pleurs soulignent la tristesse de la perte et la souffrance de ne pouvoir vivre pleinement le deuil, avant la séparation définitive du corps de Jésus. La vue des anges (en qui pourtant Marie et les synoptiques voient l’irruption de Dieu dans le monde des hommes) la laisse indifférente. La vue de Jésus lui-même ne suffit pas à lui ouvrir les yeux : elle croit voir un jardinier. Tout le récit est habilement construit dans un suspense qui met en valeur la transformation que la Résurrection a entraînée dans l’être de Jésus et la nouvelle façon de s’attacher à lui.

    La vision de Jésus selon la chair est en train de disparaître et une nouvelle relation à lui s’instaure, basée sur l’écoute de la parole. Avec des mots différents, la même thématique réapparaîtra avec Thomas où le croire se substitue au voir. C’est parce que Jésus l’appelle par son « nom » que Marie le reconnaît. « Les brebis écoutent la voix du pasteur, il les appelle chacune par son nom » (Jean 10,3). Appelée par son nom, elle peut répondre dans sa langue araméenne à celui qu’elle identifie par sa voix, comme son « maître ».

    Puis l’ordre donné par Jésus vient annoncer la fin de la rencontre physique : « Ne me touche pas ». C’est-à-dire : « détache tes bras qui voudraient encore me retenir  ». Désormais Jésus selon la chair n’est plus accessible comme il l’était de son vivant. A partir de la Résurrection, les yeux et la chair sont impuissants à le voir et à le reconnaître.

    Marie figure ainsi la croyante appelée à croire en se mettant à l’écoute du maître qui appelle chacun de son nom pour qu’il le suive. Sa recherche passionnée évoque la quête de la bien-aimée du Cantique des Cantiques qui « cherche celui qu’elle aime sans le trouver » (cf Cantique 3,1). L’amour et la quête de Jésus ne disparaissent pas : ils se vivent autrement.
    Jésus donne à Marie la mission d’aller vers ses « frères » (cf Matthieu 28,10), c’est-à-dire les disciples de Jésus devenus ses frères parce que fils d’un même Père.

    Jean, à la différence des Actes, qui situe l’Ascension 40 jours après la Résurrection fait monter Jésus vers son Père le jour même de la Résurrection. Ce qu’il avait annoncé en Jean 14,1-4 s’accomplit. La distinction entre « mon père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » souligne bien la différence de nature entre celui qui est le Fils unique et les fils adoptifs. Il est le premier dans une montée promise à tous les frères.

    Père Jean-Marie Loiseau
    19 avril 2018