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  • Les rencontres de Jésus dans l’Evangile

    Jésus rencontre les enfants

    (Marc 10 , 13-16 ; Matthieu 19, 13-15 ; Luc 18, 15-17)

    Une grande majorité de parents soucieux de bien préparer le baptême de leur enfant choisissent ce passage de l’Evangile. Au moment où Jésus prodigue un enseignement sur la manière de devenir ses disciples, Marc insère une petite scène vivante, rafraîchissante.

    En Marc 9,35-37, le Maître a déjà manifesté son intérêt pour le monde de l’enfance. Face aux prétentions orgueilleuses des Douze, il s’est présenté lui-même comme le serviteur de tous. (Marc 9,35). Dans sa rencontre avec les enfants, Jésus va montrer à ses disciples qu’ils sont le modèle de l’accueil du Royaume de Dieu.

    Dans l’Evangile de Marc, l’âge de ces enfants n’est pas donné, mais ce ne sont pas des tout-petits. Le mot grec employé désigne des garçons de 7 à 13 ans. En Luc 18,15, il est question de nourrissons.

    Dans les 3 Evangiles, la raison pour laquelle les enfants sont amenés à Jésus n’est pas précisée. Il ne s’agit pas ici de personnes malades. En référence à Matthieu 19,13-15, c’est un geste de bénédiction qui appelle sur quelqu’un la protection divine ; on l’estimait particulièrement efficace si celui qui « imposait les mains » apparaissait comme un proche de Dieu. Ce geste de l’imposition des mains sur les enfants n’est mentionné que dans l’Evangile de St Matthieu (outre la mention de Marc 10,16). En Marc et en Luc, les enfants sont amenés à Jésus pour qu’il les « touche » (geste de guérison).

    Mais pourquoi l’attitude des disciples à l’égard des enfants est-elle aussi hostile ?
    Nous sommes là face à un mouvement violent d’exclusion.
    La raison est à chercher dans les mœurs de la société antique. Au temps de Jésus, les enfants sont objet de mépris de la part des adultes. C’est une marmaille grouillante faite de multiples bouches affamées à nourrir, dans un monde où règne la pauvreté. L’enfant fait partie des parias, des méprisés. Il est mis au rang des exclus, comme les malades, les femmes, les esclaves. C’est un hors-la-loi ! Pour les contemporains de Jésus, comme pour lui, l’enfant n’a rien du « roi » qu’il est devenu dans l’occident moderne. Jésus n’accueille pas les enfants qui lui sont présentés en raison de leur candeur, de leur innocence. Il ne s’agit pas d’en faire le modèle de la moralité. Attention à ne pas tomber dans le piège de l’infantilisme.
    L’enfant est immature, sur le plan religieux, et ne devient majeur que lorsque, à 13 ans, il peut pratiquer la Loi. Etape marquée par une cérémonie religieuse facultative au cours de laquelle le garçon ouvre les rouleaux de la Torah et lit un passage de l’Ecriture. C’est ce qu’on appelle la Bar Mitzvah, le moment où le garçon est en âge d’appliquer pleinement les commandements de Dieu (la manière de célébrer la Bar Mitzvah que l’on observe de nos jours ne s’est développée qu’au Moyen-Age).
    L’attitude des disciples s’explique donc par le fait que Jésus n’a pas de temps à perdre à toucher les enfants, des nourrissons, à les faire profiter de cette source de guérison et de bienfaits que sont ses mains.
    Il ne s’agit pas, dans ce récit, d’idéaliser l’accueil par Jésus de l’enfant. Si le Maître le prend pour modèle à imiter par les grandes personnes, c’est selon les idées du temps, en raison de sa petitesse, de sa pauvreté, de son exclusion. L’enfant est d’abord un pauvre, un être totalement dépendant d’autrui. Pour eux aussi, Jésus est l’envoyé de Dieu.

    Le Royaume est ouvert aux enfants parce que, précisément, ils n’ont aucun titre à faire valoir pour y participer  : l’entrée dans la Vie n’est pas liée à la pratique religieuse des hommes. L’obéissance, la disponibilité, la dépendance de l’enfant font de lui le signe vivant d’une grande capacité d’écoute, de confiance, d’émerveillement. Ce que beaucoup d’adultes perdent, l’âge avançant. C’est la disponibilité foncière de l’enfant qui en fait un exemple pour les croyants. Jésus l’affirme avec toute la solennité voulue (cf. Marc 10,15 ; Luc 18,17).

    Le souci majeur de Jésus est de rectifier sans cesse le point de vue de ses disciples, ceux qu’il est en train de former à leur tâche de responsabilité dans l’Eglise. Il leur faut abandonner leur prétention de grandeur (Cf. Marc 9,33-34) et se faire petits pour accueillir le Règne de Dieu avec un maximum d’humilité et d’ouverture. Attention, gare aux disciples qui se prennent pour des grands, décidant qui peut approcher Jésus et qui ne le peut pas. C’est leur regard sur l’enfant qui est mis en cause dans cette rencontre.

    La finale du beau récit de Marc montre Jésus passant de la parole aux actes : il embrasse et bénit les enfants (Cf. Marc 10,16). L’étreinte affectueuse de ces petits est hautement significative. La bénédiction qui l’accompagne, un geste habituel des rabbins, est, dans la Bible, la communication en acte du don de Dieu. Jésus ouvre aux enfants le Royaume de Dieu.

    Père Jean-Marie Loiseau

    Voir le programme 2017-2018 des soirées d’Evangile : les rencontres de Jésus