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    La rencontre de Jésus avec la Syro-Phénicienne

    Marc 7,24-30 ; Matthieu 15,21-28

    La région où se déroule la scène borde la Galilée au Nord. Elle avait une population mêlée, de religion surtout païenne. La femme que rencontre Jésus est une cananéenne : les phéniciens s’appelaient eux-mêmes cananéens. Le nom de Canaan désigne, au cours de l’histoire, diverses contrées mal délimitées : la Terre promise occupée par les anciens israélites, les tribus autochtones en Israël, la Phénicie au temps de Jésus. Aujourd’hui le Liban.

    Marc ne donne aucun motif à ce voyage. L’incognito contredit toute intention missionnaire. Mais, après 7, 1-23, Marc comprend le récit qui suit comme un signe annonciateur de l’évangélisation des païens, c’est à dire des non-juifs (cf. le verset 26). En Matthieu 15,21 (comme en 11,21), l’expression "Tyr et Sidon" a aussi une valeur théologique : elle désigne les nations païennes qui, dans certaines conditions que le récit précise, vont avoir part au ministère de Jésus, et seront même admises au repas du Seigneur (cf. Marc 7, 27-28).

    Une haine véritable dresse depuis longtemps les juifs contre les païens. La loi de Moïse interdit toujours les contacts entre eux. C’est pourquoi Jésus vient incognito en terre païenne, même s’il ne réussit pas à se cacher totalement (cf. Marc 7, 24b).

    Cette étrangère, qui a peut-être entendu parler de Jésus, en venant le supplier, fait preuve d’une confiance d’autant plus grande qu’elle ose aborder un rabbin juif (Marc 7,25). Dans Marc, elle se jette aux pieds de Jésus. Dans l’Evangile de Matthieu, elle crie (Matthieu 15,22). Elle veut que Jésus expulse de sa fille un démon.

    Le maître reçoit cette demande avec réticence. Sa réponse prend même l’allure d’une fin de non-recevoir (Marc 7,27). Les "enfants" désignent le peuple juif, et non les "chiens" que sont les païens. Même adoucie en "petits chiens", l’expression a quelque chose de méprisant dans la bouche d’un oriental. Sans doute cette parole attribuée à Jésus, tout particulièrement dans l’Evangile de Saint Matthieu, servait-elle de slogan à des chrétiens juifs opposés à la mission auprès des païens (cf. Matthieu 7,6). Les juifs affichaient un profond mépris pour ces étrangers au peuple élu : ils les traitaient sans vergogne de "chiens". La venue du maître (même secrète au départ), au-delà des frontières culturelles et religieuses d’Israël, ouvre une brèche dans le mur d’incompréhension qui séparait les juifs des païens. Sans plus attendre, la femme s’engouffre dans cette précieuse ouverture. Mais elle le fait avec respect et soumission : dans l’ordre de l’histoire sainte, les enfants d’Israël ont la préséance, ils sont les maîtres ; Elle, la païenne, ne demande que "les miettes" de ce mystère du choix de Dieu (Matthieu 15,27).

    Admirable confiance de cette païenne qui montre au Messie que les étrangers savent recueillir, fût-ce les miettes, de la nourriture par lui offerte au peuple élu.

    La cananéenne exprime la foi d’une vraie prosélyte en proclamant et le vrai Dieu dont Jésus est l’envoyé, et le statut privilégié d’Israël, dont Jésus est le Messie ; Et c’est bien ce dernier qu’elle a mis au centre de sa foi : à 2 reprises, elle a prononcé une prière toute chrétienne (cf. Matthieu 15,22-24). Elle s’est adressée à Jésus comme au "Seigneur", ainsi le prient les chrétiens de souche païenne, et au "fils de David", ainsi l’invoquent les chrétiens d’origine juive.

    Jésus ne s’y trompe pas, qui voit dans le propos de la femme, une véritable profession de Foi (Marc 7,29). Lorsqu’il rencontre la Foi, même chez des étrangers aux promesses, Jésus n’hésite pas à donner un signe que le Royaume de Dieu est là (Marc 7,30).

    Jésus exauce la prière de la cananéenne à la mesure de la confiance qu’elle a placée en lui. La conclusion, en Matthieu 15,28, se modèle sur celle de l’épisode du centurion (Matthieu 8,13).

    La cananéenne est un exemple de Foi pour les disciples et une occasion pour eux de découvrir en celui qu’ils suivent un rayonnement qui déborde les frontières d’Israël.

    Père Jean-Marie Loiseau
    19 janvier 2017