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    Je crois à la résurrection de la chair ...

    La résurrection : Lors de l’article de foi concernant Jésus-Christ nous avons affirmé : Le troisième jour est ressuscité des morts… ! L’Église, à présent, nous invite à dire : Je crois à la Résurrection…

    La résurrection dans la tradition biblique est une idée relativement neuve, au moment où Jésus parcourt tout le territoire de Palestine pour annoncer la Bonne Nouvelle. Jusqu’à la conquête d’Alexandre, et l’hégémonie hellénistique, qui a suivi (c’est-à-dire deux siècles avant notre ère) la Bible ignore une vie et une rétribution outre-tombe ! C’est le livre des Maccabées qui introduit dans l’écriture cette notion et l’idée de « résurrection des morts » (Les Maccabées sont les héros du soulèvement juif contre Antiochus Epiphane, appelés aussi
    « martyrs d’Israël »). Au temps du Christ, certains juifs, les Sadducéens en particulier, au nom de la fidélité aux écritures, continuent à rejeter ces idées nouvelles : « Les Sadducéens soutiennent en effet qu’il n’y a ni résurrection, ni ange, ni esprit, tandis que les Pharisiens en professent la réalité » (Act. 23.8) : (cf. Mt. 22,23 et // Mc 12,18 et Lc 20,27 ; Act. 23,6-8).

    Les rédacteurs du Nouveau Testament, qui écrivent en grec, hésitent entre plusieurs termes pour désigner la résurrection : anistémi, et ses diverses formes verbales : anastéso etc... : Se lever, se relever, ou être relevé, ils choisissent également pour la désigner le verbe egeiro, et ses composés, éveiller, réveiller, sortir du sommeil. Enfin dans l’évangile de Jean 3, il y a un jeu de mot avec gennao : naître, renaître, être engendré qui pourrait avoir une synonymie avec les deux autres termes utilisés alternativement pour désigner la résurrection.

    Si l’idée de résurrection n’est pas dans tous les esprits du monde juif, elle l’est encore moins chez les grecs pourtant fins esprits et enclins à la philosophie ! Saint Paul dans son discours à l’Aréopage d’Athènes se trouve disqualifié par ses savants auditeurs en osant parler de « résurrection » ! (Cf. Act. 17, 31)

    La chair : il ne faut comprendre ce terme au sens péjoratif de « prison de l’âme » ou de « piège de la vertu ». Il s’agit ici de l’être humain dans sa condition historique. Comme nous le disons à Noël : « Le Verbe s’est fait chair » (Jean 1,14). Mais cette chair que le Christ a assumée a été transfigurée par l’Esprit de Dieu et a revêtu l’incorruptibilité.

    La chair : dans le langage biblique ne désigne pas seulement le corps, elle désigne l’être humain tout entier, sans distinction de l’âme et du corps, réalités ignorées des hommes de la Bible, peu sensibles aux distinctions binaires. La pensée biblique considère que le péché et la mort affectent la totalité de l’être humain. Celui-ci ne peut être relevé (racheté) que par la grâce et le pardon de Dieu à la consommation des siècles.

    Familière au milieu juif pharisien, l’idée de résurrection des morts a été totalement renouvelée par la foi chrétienne en la résurrection de Jésus. (Cf. Rom. 6, 3-9 ; Rom 8,18-23 ; Rom. 14, 7-12)

    Dans les milieux juifs contemporains de Jésus, la résurrection était attendue pour la fin des temps (Cf. Le dialogue de Marthe avec Jésus, avant la résurrection de Lazare : « Je sais qu´il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection. » (Jn. 11,24). La Résurrection est la récompense finale des justes. Elle s’inscrit dans la logique de la révélation, purifiée surtout par la prédication des prophètes. Il apparaît parfaitement contradictoire avec la fidélité de Dieu que les justes, malheureux sur terre, disparaissent définitivement. Dans son infinie bonté, le Dieu créateur peut fort bien appeler à une vie autre (re-susciter) les justes défunts, voire tous les hommes, selon un mode d’existence accordé à leur comportement sur terre. Ainsi l’idée de résurrection des morts implique un discernement ou jugement, au regard des choix terrestres (prise au sérieux de la responsabilité historique de chacun). (Cf. l’Évangile du Jugement dernier en Math. 25)

    La résurrection de Jésus s’inscrit dans une logique nouvelle. Dans la mesure où cette dernière atteste le passage à Dieu de l’être entier de Jésus, à la fois en continuité avec sa vie terrestre et dans une totale nouveauté.
    La résurrection des morts constitue l’incorporation de notre humanité à l’être divin au-delà même de la vie terrestre. C’est la transfiguration de l’être humain en Jésus, le Christ. L’homme est respecté dans son être singulier et personnel en parfaite continuité avec son histoire personnelle. La singularité de la personne humaine (sa « chair ») est pleinement respectée. Dans l’unique corps du Christ, chacun ressuscite comme un membre unique en même temps que solidaire de tous les autres.

    Nous ressentons quelque difficulté à concevoir autre chose pour un homme que son mode historique d’existence, aussi sommes-nous en droit de nous poser différentes questions :

    Que peut signifier « l’intégralité de la personne humaine » alors que nous constatons la désintégration du corps physique ?

    Dans quelle mesure notre solidarité au cosmos et notre capacité de communiquer, concrétisées par notre corps, peuvent-elles exister entièrement, dans un mode d’existence totalement différent ?

    Face à ces questions insurmontables, deux risques apparaissent :

    Celui de chosifier le mot « chair », de ne l’entendre que pour le corps biologique ! Dans ce sens nous ressusciterions avec l’ensemble de nos cellules biologiques (réactivées)

    (Lors de la résurrection que feront ceux dont le corps est passé par les flammes ou a été dissout dans quelque acide ?)

    Celui de spiritualiser la résurrection, au point de n’y voir qu’une survie partielle de notre être. (Dans ce sens nous deviendrions des fantômes !)

    Dès le Nouveau Testament, les auteurs chrétiens ont tenté de tenir ensemble :
    la parfaite réciprocité des affirmations chrétiennes relatives au mystère pascal de Jésus et à la résurrection des morts (1 Corinthiens 15)[1] ;

    l’impossibilité effective de décrire le « comment » de la résurrection des morts, autrement que par des analogies soulignant le double rapport de continuité / discontinuité (Cf. 1 Co 15, 12 ss.)

    la solidarité effective entre l’univers dans son devenir et l’accomplissement de toutes choses en Christ (« récapitulation » : lettre aux Éphésiens ; l’œuvre d’Irénée de Lyon).
    Ainsi, pour un chrétien, la foi en Jésus ressuscité implique à la fois :

    La vocation divine de l’être humain : Il est appelé à être fils, comme le Christ, dans l’intégrité de son être.

    La conscience d’une solidarité cosmique, liée au dessein de Dieu créateur et sauveur.

    Résumons plus simplement tout ce que nous venons de découvrir :

    Ce que nous croyons, c’est que nous sommes invités à passer
    du « corps animal » au « corps spirituel », du corps terrestre au corps céleste. C’est le Christ qui prend progressivement possession de nous. Cette communion avec le Christ atteindra sa plénitude dans le Royaume final de Dieu. La gloire de Dieu emplira l’univers.

    Et que dit le « credo » de Nicée Constantinople ?

    À plusieurs reprises, lors de nos rencontres, nous nous sommes permis de jeter un œil sur le Symbole de Nicée-Constantinople que l’on peut utiliser aux messes dominicales. La finale n’est pas « un développement » du Symbole des Apôtres, comme nous l’avions constaté avec l’article concernant le Saint Esprit. Il s’agit d’une formulation différente : « J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir ». Les Pères du Concile ont davantage inscrit leur formulation dans la tradition scripturaire, ils collent davantage à la Bible. La résurrection des morts, est une promesse du Christ, saint Paul la développe et l’explique à ses communautés. Cette attente nous est commune avec les juifs et les musulmans, tous trois nous attendons la résurrection finale des justes ! Tous trois, nous croyons en un monde au-delà du monde : « les cieux » pour reprendre l’expression biblique. C’est comme « une terre promise » vers laquelle nous nous acheminons. Le Symbole de Nicée-Constantinople, nous dit donc autrement ce que nous dit le Symbole des Apôtres : Je crois « à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. » La vie éternelle n’est pas dénuée d’un environnement pour se réaliser « c’est un monde à venir » un monde nouveau !

    ... à la vie éternelle ...

    La Clef de notre foi c’est Jésus, le Christ, et lui seul !

    Puisque nous arrivons à la dernière proposition de notre Credo, il convient de souligner, qu’une fois encore, nous ne pouvons comprendre celle-ci que par rapport et en fonction de la révélation de Jésus, le Christ. Depuis le premier article jusqu’au dernier, nous sommes bien dans « une profession de foi chrétienne ». La Clef de notre foi c’est Jésus, le Christ. Nous l’avons vu pour le précédant article, la foi en la résurrection n’est pas spécifique à la foi chrétienne, elle est présente à la tradition biblique de l’Ancien Testament, mais Jésus lui donne un sens nouveau, original et spécifique !

    ... la vie éternelle ...

    Nous sommes appelés à connaître une vie nouvelle dans une parfaite communion avec le Christ dans sa gloire de ressuscité. Il semble tout à fait logique d’en partager tous les privilèges. Si le Christ est l’auteur de la vie « le Chemin, la vérité et la vie », s’il partage, à la droite du Père, la gloire éternelle de Dieu, alors nous partageons avec lui cette vie éternelle dans laquelle la résurrection du Christ nous a introduits.

    Cette soif d’éternité ne nous est pas spécifique. De nombreuses religions confessent la certitude en une destinée éternelle de l’homme. Il suffit d’évoquer la religion de l’Égypte antique, dont les réalisations architecturales, à vocation funéraire, sont le vibrant et toujours actuel témoignage. On retrouve cette ambition d’éternité depuis que l’homme est homme. On en a la preuve chaque fois que l’on découvre une sépulture d’hominiens, même très éloignés de nous ! à tel point que les archéologues et paléontologues distinguent les restes d’un singe de ceux d’un homme par les traces de rites funéraires. L’homme, même le plus primitif, semble avoir l’intuition que la vie de l’homme ne s’arrête pas avec la mort corporelle. On peut donc affirmer que l’instinct proprement humain incline l’homme à concevoir son avenir, au-delà de l’existence terrestre, comme éternel.

    Pour le chrétien, la certitude de l’éternité est liée à la promesse de Dieu, révélée et confirmée par la révélation de Jésus-Christ. Cette certitude a pour origine et pour gage la vie, la mort et la résurrection de Jésus, le Christ. Elle s’harmonise avec ce que nos frères orientaux nomment la « divinisation » de l’homme. « Nous sommes des dieux »... et Dieu est éternel ! Comme le souligne éloquemment le quatrième évangile, la foi en Jésus, le Christ, nous donne accès à la vie éternelle. Celui qui a reçu la vie du Christ ne connaîtra jamais la mort. (Cf. Jn. 11, 25).
    Notre destinée est éternelle, elle est béatitude dans la contemplation éternelle de Dieu. Cependant parler de destinée d’éternel bonheur pourrait nous faire oublier l’alternance possible pour ceux qui n’ont pas suivi la vie parfaite, décrite par l’écriture, d’une réprobation éternelle, (ce feu éternel décrit par certains passages des écritures ! Ce que nous appelons l’enfer n’est pas une invention de personnes masochistes qui raffolent à se faire peur. Pourtant, notre foi répugne à imaginer que la miséricorde de Dieu ne puisse s’exercer, même vis-à-vis des crapules les plus condamnables ! Laissons à Dieu la lucidité de sa justice.
    L’Eglise a trouvé une alternative moins dramatique dans « le purgatoire » cette action purifiante qui efface les dernières traces du péché qui pourraient interdire à nos regards la vision de Dieu !

    Amen !

    Voici encore un mot qui a perdu de son sens, alors qu’il en a de multiples ! C’est un mot hébreu composé avec la racine « ‘mn » qui signifie : c’est vrai ; certainement ; ferme ; stable. Il peut parfois traduire un assentiment :
    « ainsi soit-il », mais ce n’est qu’un sens parmi d’autres. Il conviendrait davantage de le traduire par « oui » ; « d’accord » ; « j’accepte » ; « je reconnais » ; « j’ai parfaitement confiance ». C’est une adhésion ferme et stable à une proposition. C’est le mot de l’engagement. C’est le mot de la foi. Il est parfois utilisé comme une acclamation qui pourrait être rendue par nos « hip, hip, hip, hourra ! ». John Littleton le chantait « Amen, amen, oui, oui, oui ! Amen, amen, oui, oui, oui ! ». Ce sens utilisé par saint Paul dans la seconde lettre aux Corinthiens nous conforte dans cette traduction :

    « Je voulais passer tout d’abord chez vous pour vous obtenir une deuxième grâce, puis, de chez vous, me rendre en Macédoine, et enfin revenir de Macédoine chez vous, pour que vous fassiez tout le nécessaire pour mon voyage en Judée. En prenant cette résolution, aurais-je fait preuve de légèreté ? Ou bien mes projets ne sont-ils que des projets humains, en sorte qu’il y ait en moi à la fois le Oui et le Non ? Dieu m’en est garant : Notre parole pour vous n’est pas Oui et Non. Car le Fils de Dieu, le Christ Jésus que nous avons proclamé chez vous, moi, Silvain et Timothée, n’a pas été « Oui » et « Non », mais il n’a jamais été que « Oui » ! Et toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur Oui dans sa personne. Aussi est-ce par lui que nous disons : Amen à Dieu pour sa gloire. Celui qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous donne l’onction, c’est Dieu, lui qui nous a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit. Pour moi, je prends Dieu à témoin sur ma vie : c’est pour vous ménager que je ne suis pas revenu à Corinthe. Ce n’est pas que nous régentions votre foi, mais nous coopérons à votre joie car, pour la foi, vous tenez bon. » (2 Co. 1, 15-24)

    Singulièrement, « Amen » devient quelqu’un, c’est le Christ.
    Paul, autant que l’Apocalypse(3,14), l’appellent l’ « Amen ».
    Le Christ tout entier est réponse d’adhésion au Père dans l’obéissance parfaite à son dessein d’amour, dans ce lien indéfectible qui les unit, à tel point qu’ils ne sont qu’un seul et même Dieu. Dans le mystère de notre propre filiation, par le baptême, chacun d’entre-nous est aussi "amen", dans le Christ, avec le Christ, comme le Christ. Nous sommes un « oui » offert à Dieu, notre foi est réponse d’amour qui réjouit le cœur de Père de notre Dieu. Le « oui-amen » est notre réponse de fils dans le dialogue d’amour, d’alliance, avec Dieu. C’est aussi dans ce sens que l’église nous invite à le prononcer lors de la communion : « Le Corps du Christ. » impose la réponse « amen » c’est-à-dire, « oui je veux communier » et « Oui, je reconnais en cette hostie « mon Seigneur et mon Dieu ! ». C’est l’ « amen » de la foi. Cette dimension est particulièrement signifiante lors de la communion, mais n’est nullement dévaluée lors de tous les « amen » que la liturgie nous fait prononcer. Ils sont autant d’assentiments aux prières prononcées par le prêtre au nom de l’assemblée. C’est le petit mot de la participation active et consciente de l’assemblée. On lui donne particulièrement d’ampleur lors de la doxologie de la Prière Eucharistique : « Par lui, avec lui... : Amen ! »

    Cet Amen placé pour conclure notre credo est donc la parfaite adhésion à la profession de foi élaborée et confiée par l’église aux croyants que nous sommes. Elle est ratification de ce que nous avons proclamé. Si nous n’avons pu adhérer par notre intelligence à tous les termes du Symbole de la Foi, notre « Amen » atteste que nous en acceptons la proposition, et faisons confiance à l’église qui nous le propose et, par ce « oui » confiant, nous nous engageons à le vivre et en témoigner !

    Mais il n’est pas interdit de donner à cet amen son sens d’adhésion joyeuse de l’acclamation qui constitue l’église que nous formons, d’un seul cœur et d’une seule voix :

    « Hip, hip, hip, hourra ! Amen, amen, oui, oui, oui... »

    Mgr Jean-Charles Thomas, ancien évêque de Versailles, le traduit d’une façon plus magistrale encore :

    « Amen ! Oui ! Il en est vraiment ainsi ! Qu’il en soit ainsi ! C’est vrai, ferme, solide comme du roc ; ça tient debout ! C’est justifié et cela rend juste. C’est le programme le plus indispensable, le plus sérieux, le plus gratuit, le plus constructeur et le plus généreux que puisse espérer chacun de nous. Je le crois, le l’espère, je l’attends, j’y travaille, j’en vis ! »

    (Mgr Jean-Charles Thomas « Je crois en Dieu », Centurion, 1998).

    Père Jean-Luc Voillot
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