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  • Prier les psaumes comme Jésus avec le P. Jean-Luc Voillot

    Prier les psaumes comme Jésus avec le P. Jean-Luc Voillot

    Remarques préalables

    C’est l’Équipe pastorale de la Paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul qui a choisi ce titre, et c’est à ce titre que je vais essayer de faire honneur ! Pourtant, il est bien audacieux, d’abord parce que le terme « psaume » n’apparait que deux fois dans les Évangiles, et qu’on imagine qu’il a chanté les psaumes après la cène, s’il a bien suivi le rituel de la Pâque juive. Pour rejoindre la vie de Jésus et connaître sa spiritualité et ses prières, nous avons peu d’éléments puisque nos évangiles écrits après la mort résurrection de Jésus, nous livrent surtout les trois ans de sa prédication, et ne prétendent pas faire un reportage quotidien sur la vie de Jésus. Les Évangiles de l’enfance de Jésus ne couvrent que ses douze premières années ! Le Nouveau Testament est le témoignage des Apôtres sur l’enseignement du Christ pour édifier l’Église après le départ du maître ! Pour illustrer, cette difficulté à rejoindre le Jésus de l’histoire, je vous renvoie à la conférence du Père Yves-Marie Blanchard « croire au Jésus de l’histoire » le dimanche 17 mars, à 17 h !

    Les psaumes dans la tradition d’Israël

    Les Psaumes dans la Bible :

    La Bible juive est répartie en trois parties (Formant le TaNaK) :

    1 – Le Pentateuque [Torah], les cinq premiers livres, la loi fondamentale. Attribué par la tradition à Moïse. (Donc appelé « Livre de Moïse », ou « Moïse » tout simplement)

    2 – Les Prophètes [Naviim], (comprenant nos livres historiques [les Juges, les livres de Samuel et des Rois] et les prophètes proprement dits)

    3 – Les Autres Écrits [Ketouvim] : Psaumes [Téhilim] (louanges) et littérature de sagesse.

    Le livre des psaumes :

    C’est un livre de cantiques qui rassemble des prières de demande, des chants, des hymnes, des poèmes, dont beaucoup ont une origine est très ancienne. Un certain nombre sont attribués au Roi David, ce qui a conduit à attribuer l’ensemble du livre des Psaumes à David. Ainsi, la Torah (le Pentateuque) sous le patronage de Moïse, Le livre des prophètes sous le patronage des prophètes (Dans le Nouveau Testament on l’attribue implicitement au « prophète Elie »). « Le livre des Louanges » (Psaumes) à David, le psalmiste (Jouant lui-même des instruments) enfin les livres de Sagesse, sont sous le patronage de Salomon.
    On peut dire que la rédaction du psautier s’étend du 10ème siècle au 6ème siècle avant Jésus-Christ (la chute du premier Temple). Le psautier, dans son état, actuel n’aurait été fixé qu’au 3ème siècle avant Jésus-Christ par des rabbins en vue de leur utilisation liturgique. Il y a dans le reste de la Bible un certain nombre de cantiques psalmiques qui ne sont pas dans le recueil des psaumes, peut-être pour garder le chiffre symbolique de 150 !
    Malgré l’impression de désordre que nous avons, ils suivent un regroupement historique, et forment 5 recueils distincts. Chaque recueil se terminant par une doxologie plus ou moins développée conclue par un Amen !

    5 recueils PSAUMES


    1er recueil Psaume1 à 41 soit 41 psaumes
    2e recueil Psaume 42 à 72 soit 31 psaumes
    3e recueil Psaume 73 à 89 soit 17 psaumes
    4e recueil Psaume 90 à 106 soit 17 psaumes
    5e recueil Psaume 107 à 150 soit 44 psaumes

    Comme la Torah contient cinq livres (Pentateuque), le livre des Psaumes contient cinq recueils. Un midrash du Psaume 1 affirme que David a donné 5 livres de psaumes à Israël, tout comme Moïse a donné 5 livres de lois, ainsi, la tradition rabbinique fait la comparaison entre ces deux recueils : « Comme les « livres de Moïse » sont « la Torah de Dieu pour l’homme », le « psautier de David » est « la Torah (Le Pentateuque) de l’homme vers Dieu ! »(1) (L’homme y parle de Dieu à Dieu)

    (1) Jean 10, 33 - Les Juifs lui répondirent : « Ce n’est point pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème, et parce que toi, qui es un homme, tu te fais Dieu. » 34 Jésus leur répondit : « N’est-il pas écrit dans votre loi : J’ai dit : Vous êtes des dieux ? » (cf. Ps 82, 6) 35 Si elle a appelé dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et si l’Ecriture ne peut être anéantie,…

    On peut distinguer diverses familles de psaumes :

    • Louange = merci. Dont le Grand et le Petit Hallel
    (Psaumes ouverts et conclus par l’Alléluia)
    • Demande d’intercession, confiance en Dieu qui exauce.
    (Prière individuelle ou collective, du peuple de Dieu)
    • Psaumes royaux du roi, pour son peuple
    • Psaumes didactiques = moraux, instructions pour une vie droite.
    • Psaumes historiques, déclinent l’histoire d’Israël.

    Les Psaumes dans le Culte d’Israël

    Avant la déportation du peuple du royaume de Juda à Babylone en - 586, de nombreux psaumes, regroupés en collections, étaient utilisés dans la liturgie du Temple.
    Certains psaumes royaux étaient même « Portés comme des robes » par chaque nouveau roi montant sur le trône.
    Les chants des montées (Psaumes 120-134) étaient utilisés lors des périodes de fêtes au temple.
    Après le retour d’exil, le livre des Psaumes a également trouvé une place méditative dans la synagogue postexilique.

    Jésus a-t-il prié les psaumes ?

    Oui, Jésus de Nazareth, en bon juif, priait les psaumes. Les psaumes étaient au cœur de l’héritage religieux de son peuple, et ils ont donc été au cœur de sa prière, comme au cœur de celle de son peuple. « Livre de prières de la Bible », Jésus a prié les psaumes dans la prière familiale et personnelle (à Nazareth), mais aussi communautairement au Temple, comme à la Synagogue.
    Les premières communautés chrétiennes, en se rappelant la vie et les paroles de Jésus, les ont relus à la lumière de la résurrection et ont trouvé dans les psaumes des arguments pour affirmer la divinité de Jésus, devenu le Christ, ce Messie attendu envoyé par Dieu. Les psaumes étaient également très présents dans la bouche de Jésus, dans les évangiles.

    La tradition nous fournit des témoignages de la prière des psaumes par Jésus :

    • il prenait part régulièrement à l’office du sabbat et priait avec la communauté (Lc 4, 16)
    • Chaque fois qu’il se rendait au Temple pour les fêtes de Pèlerinage, il chantait avec les autres pèlerins « les Psaumes graduels » (120 à 134 dans la Bible hébraïque). D’après saint Jean, Jésus est monté au Temple pour la Pâque à trois reprises !
    • la prière avant les repas lui était naturelle (multiplication des pains, dernière Cène, Emmaüs…)
    • Il a probablement observé les trois prières journalières : elles ont encore présentes dans un texte de la fin du 1er siècle ou du début du 2e siècle, la « Didachè » (8, 3) où l’ont dit à propos du Notre Père : Trois fois par jour vous le prierez donc ainsi. Les Actes rapportent aussi la prière de l’après-midi (Ac 3, 1 ; 10, 3.30).
    • Lors du dernier repas, le Jeudi-Saint, si Jésus a bien respecté le rituel pascal, il a terminé le repas par le chant du Hallel chanté avec les disciples (Le Hallel « Egyptien » consiste en 6 psaumes (113-118). Cet ensemble de textes est généralement entonné à haute voix par toute la communauté de prière lors de l’office religieux du matin, à l’issue de la Amidah, à l’occasion des trois fêtes de pèlerinage (Pessah, Shavouot et Soukkot) ainsi que pour Hanoucca et Rosh Hodesh. Le Hallel est aussi prononcé le premier soir de Pessah. Ce qu’on appelait le Grand Hallel, ou Hallel « grec », comprenait les Ps 146 ; Ps 147 ; Ps 148 ; Ps 149 ; Ps 150.) (Cf. Mt 26,30, Mc 14,26, Lc 22,31)

    Les psaumes ont aussi des éléments de relecture de la vie du Christ.

    Trois psaumes sont très importants pour parler de Jésus Christ comme Fils de Dieu :

    • Le psaume 22 a été abondamment utilisé dans la narration des événements de la Passion.
    • Le psaume 110 a été appliqué à l’exaltation du Christ ressuscité.
    • Le psaume 118 a été appliqué au mystère pascal, mort et résurrection du Christ.

    St Augustin a appelé :

    « Jésus le chantre admirable des psaumes : Il a chanté avec sa voix, il a chanté avec sa vie, il continue de les chanter dans son Corps qui est l’Église. »

    (Cf. St Augustin, « Commentaires sur les psaumes »).

    P. Jean-Luc VOILLOT