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  • Ne brisez pas l’élan de votre générosité…

    MARIAGE ANTOINE ET LAURIE

    1ère lecture : Rm 12, 1-18 (« Ne brisez pas l’élan de votre générosité… »)
    Évangile : Mt 7, 24-29 (« Celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc. »)

    Dans la première lecture qui a été proclamée, saint Paul écrit : « je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie ». Voilà un appel qui pourrait sembler très générique, « offrir sa personne et toute sa vie à Dieu », mais c’est un appel qui prend aujourd’hui, pour Antoine et Laurie, une dimension très concrète. À partir d’aujourd’hui, Laurie et Antoine vont vivre cet appel à la communion avec Dieu, avec ce Dieu dont ils ont goûté l’Amour gratuit, ils vont répondre à l’appel à faire sa volonté, en offrant leur personne et toute leur vie l’un à l’autre. Cette communion d’amour qu’ils veulent aujourd’hui fonder en recevant le sacrement du mariage devient donc pour eux leur manière principale de répondre à l’exhortation de saint Paul : « soyez unis par l’affection fraternelle, ne brisez pas l’élan de votre générosité, rivalisez de respect les uns pour les autres – ou on traduit parfois aussi : prévenez-vous d’égards mutuels ». Plus loin, dans la même lettre à la communauté chrétienne de Rome, saint Paul résumera ces exhortations par une formule très dense : « n’ayez de dette envers personne, sinon celle de vous aimer mutuellement ».

    Voilà comment saint Paul décrit la communion à laquelle Dieu appelle les hommes, et donc d’une manière toute particulière la communion d’amour à laquelle les époux sont appelés : se considérer “en dette” d’aimer l’autre. Une dette qui ne devrait pas être écrasante, comme l’est une dette économique : ça t’assombrit l’avenir, ça te paralyse, ça t’empêche de faire ceci, cela… La « dette d’amour » dont parle saint Paul est au contraire ce qui devrait “dynamiser” notre vie : quelque chose qui te donne une raison de te lever le matin, même quand tout n’est pas rose ; une “dette” qui donne un but, un sens à ta vie quotidienne. Un but, un sens, qui n’est pas un idéal lointain mais qui est à tes côtés : aimer l’autre, servir l’autre, être prévenant d’égards envers l’autre.

    Quelque chose de très beau, “dynamisant”, je disais, mais pas évident ! Est-ce que je me réveille quotidiennement en me considérant en dette d’aimer ceux qui aujourd’hui sont à mes côtés, en dette de renoncer à mes préférences, mes intérêts, ma commodité, pour eux, pour me mettre au service de leur bien, de leur paix… ? Ou bien je me réveille en ayant à l’ordre du jour, dans l’agenda du cœur, les dettes de l’autre à mon égard : les égards que l’autre me doit, ce qu’il devrait faire, ce à quoi il devrait penser, ce dont il devrait se rendre compte, etc. ? De fait, se considérer sincèrement, profondément, « en dette d’aimer l’autre », implique, comme le soulignait saint Paul, un renouvellement de notre façon de penser, une transformation de nos jugements.

    Si Antoine et Laurie sont ici aujourd’hui, pour recevoir le sacrement du mariage, c’est parce qu’ils sont convaincus d’une chose : pour pouvoir répondre à cet appel, vivre ainsi la communion avec l’autre, et la vivre sans se vider, il faut pouvoir s’appuyer sur quelque chose… l’un sur l’autre, bien sûr, mais pas seulement. C’est pourtant ce qui fait la beauté de la communion d’amour entre les époux : pouvoir s’appuyer l’un sur l’autre, se soutenir mutuellement, porter le fardeau l’un de l’autre, s’encourager l’un l’autre… Mais en même temps, si notre capacité à aimer l’autre, à nous donner à l’autre, ne s’appuyait que sur ce qu’on reçoit de lui, la communion ce serait un peu comme quand on joue, sur la plage, à verser du sable d’une main à l’autre : la main gauche ne peut verser dans la main droite que le sable qu’elle reçoit d’elle, et vice-versa… On a tous joué à ça petit : si on est adroit ça peut durer un bon moment… mais un moment seulement, car cet échange n’est jamais sans perte, et au bout d’un moment, ben il n’y a plus de sable. D’ailleurs – petite parenthèse – en physique, on a abandonné depuis un moment le rêve de pouvoir construire concrètement une machine dotée d’un mouvement perpétuel : un système qui, sans aucun apport d’énergie de l’extérieur, sans être “boosté” de l’extérieur, possèderait un mouvement qui soit toujours capable de se relancer, qui reprenne toujours son élan, sans perte… On n’y arrive pas, à faire ça. Si l’on veut donner à quelque chose un mouvement perpétuel, qui ne perde jamais son élan, il faut un apport extérieur, il faut “donner de l’élan” de l’extérieur.

    Pourquoi je parle de ça ? Parce que c’est un peu la même chose pour ce “mouvement” qu’est la communion d’amour entre nous. Pour que « l’élan de notre générosité » dont parle saint Paul, ne soit pas brisé, bridé, ralenti, il faut être boosté de l’extérieur. Et quelle est pour nous cette source d’énergie, cette source d’amour, sur laquelle nous pouvons “brancher” la communion les uns avec les autres ? Quelle est cette source d’amour à laquelle Antoine et Laurie veulent puiser leur capacité d’offrir l’un à l’autre leur personne et toute leur vie ? La voici : Jésus-Christ. L’Amour gratuit que Dieu nous a manifesté, en nous aimant le premier ; l’amour qu’il nous montre, qu’il nous donne, en nous envoyant son Fils qui le premier a offert sa personne et toute sa vie pour nous, pour nous révéler cet Amour de Dieu plus grand que nos péchés, plus fort que nos faiblesses ; cet Amour qui en Jésus-Christ crucifié vient prendre notre vie en main même au cœur des épreuves que nous traversons. Ça c’est le roc dont parlait l’évangile, le roc sur lequel Antoine et Laurie veulent fonder la communion d’amour qu’ils veulent construire ensemble : ce don que Dieu nous fait de son amour en Jésus-Christ, dans la vie de l’Église, à travers sa Parole, à travers les sacrements ; ce don à travers lequel Dieu veut nous partager sa propre capacité d’aimer. Ce don qui aidera Antoine et Laurie à se donner l’un à l’autre. L’eucharistie que nous célébrerons dans un instant, et dans laquelle se fait présent ce Christ qui donne sa vie pour nous sur la Croix, nous rappelle une chose importante : aujourd’hui, dans cette célébration du mariage, dans laquelle Laurie et Antoine s’engagent l’un envers l’autre, le premier à s’engager, c’est Dieu ! Lui s’engage pour eux, Il s’engage à être auprès d’eux pour défendre leur amour par Son Amour, pour relancer l’élan de leur générosité, pour les “habiliter” à se prévenir d’égards mutuels, à se considérer chacun en dette d’aimer l’autre.

    Donc je pense que dans cette célébration il y a une prière que nous pouvons tous faire, chacun à la mesure de la foi qu’il pense avoir ou non : demandons au Seigneur qu’Antoine et Laurie puissent ne jamais être séparés de cette source d’Amour qui n’est jamais “à sec”, que rien ne peut éteindre, pas même nos péchés. Et demandons pour chacun d’entre nous, et les uns pour les autres, que dans cette célébration nous puissions “toucher” et goûter, la tendresse cet Amour de Dieu pour nous.

    Père Damien Nivelle (août 2014)