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  • Lettre ouverte aux femmes de la bible

    Sara et Rébecca.

    Mes mères et sœurs,

    Il y a déjà un certain temps, j’ai écrit à quelques grands personnages de la Bible. Des amis m’ont fait remarquer que je semblais vous oublier, vous, les femmes. Oh non ! je ne vous oublie pas ! Il y a bien longtemps que je souhaite m’adresser à vous. Vous êtes sans doute plus discrètes que les hommes, mais bien souvent vous êtes d’une efficacité redoutable, dans un sens comme dans l’autre. C’est bien pourquoi je tiens à vous mettre en valeur.

    A laquelle d’entre vous dois-je m’adresser d’abord ? à toi, Eve ? Non ! Tu n’es pas une femme parmi les autres. Tu es le symbole de toutes les femmes. La Bible t’appelle ‘la mère des vivants’ (Gn 3, 20). Alors, permets-moi, non de t’oublier, mais de te laisser à cette place. Peut-être reviendrai-je à toi quand j’écrirai à Marie, la Mère du Vivant.

    Sara, la femme du père des croyants. (Gn ch.12 à 23)

    Devenir mère quand on est si vieille ?

    Sara, Abram, un jour, t’a choisie pour être sa femme. Tu faisais partie de son clan. Au départ, il te nommait Saraï, c’est-à-dire ‘ma princesse’ ? Quand Dieu lui donna un nouveau nom : Abraham, il lui demanda de t’appeler Sara ; une simple lettre ajoutée en hébreu fait que tu ne seras plus ‘sa princesse’, mais la ‘princesse’ de tout le monde.

    Quand tu t’es rendu compte que tu ne pouvais pas donner d’enfant à ton mari, tu lui as offert ta servante, l’Egyptienne Hagar, pour qu’il puisse avoir une descendance. Autre temps, autres mœurs ! Elle devint enceinte, et, de ce fait, te méprisa. Tu l’as mal pris et tu t’es mise à la maltraiter. Elle s’est enfuie au désert, mais Dieu l’a secourue et elle a mis au monde un garçon à qui son père donna le nom d’Ismaël.

    Dieu, cependant, promet toujours à ton mari de lui donner une descendance venant de toi, de ton vieux corps. Un jour, trois visiteurs (le Seigneur ?) viennent lui rendre visite au chêne de Mamré. Pendant le repas, ils répètent la promesse : « Au temps du renouveau, ta femme Sara aura un fils ». Toi, tu es dans la tente ; tu entends, tu te mets à rire et tu penses : « Tout usée comme je suis, pourrais-je encore jouir ? et mon maître est si vieux ! » Tu protestes vigoureusement quand le Seigneur te reproche d’avoir ri, de ne pas avoir cru à sa parole.

    Isaac, la réalisation de la promesse

    Eh oui ! la promesse se réalise : te voilà enceinte et tu mets au monde un fils à qui ton mari donne le nom d’Isaac, un nom qui, en hébreu, rappelle ton rire incrédule : ‘Que le Seigneur rie, qu’il soit bienveillant’. Bienveillante, toi, tu ne l’es pas beaucoup à l’égard d’Ismaël et de sa mère Hagar. Tu n’admets pas que le fils de la servante joue avec Isaac et tu exiges durement d’Abraham qu’il la chasse avec son fils. Les voilà partis dans le désert et risquent de mourir de faim et de soif. Mais le Seigneur ne les abandonne pas. Il leur fait découvrir un puits. L’enfant est sauvé et, suivant la promesse du Seigneur, il sera le père d’une grande nation : les Arabes le considèrent comme leur ancêtre.

    Abraham devait beaucoup t’aimer. Quand l’heure de ta mort arriva, il voulut pour toi un tombeau digne de ton rang. A l’issue d’un marchandage tout oriental, il acheta le champ et la grotte de Makpéla, près de Hébron. Lui-même y fut enterré, ainsi que votre descendance. On parle encore aujourd’hui du « Tombeau des Patriarches » à Hébron.

    Rébecca, la femme d’Isaac (Gn ch 24 à 27)

    Ton entrée dans le clan d’Abraham

    J’avoue avoir un faible pour toi, Rébecca. Je ne me lasse pas de relire le chapitre 24 qui raconte comment on est venu te chercher pour que tu deviennes la femme d’Isaac. Abraham devenu vieux veut marier son fils. Suivant la coutume, il faut qu’il épouse une fille de son clan. Abraham envoie son fidèle serviteur dans son pays d’origine, à Aram. Le serviteur demande à Dieu de l’aider dans sa mission. De fait il a de la chance : la première fille à qui il demande à boire, c’est toi et, suivant son vœu, tu puises de l’eau pour désaltérer ses chameaux. Laban, ton frère, l’invite à la maison. Après les festivités d’usage, le serviteur présente la requête de son maître. Toi-même, tu acceptes de partir. Tu vas prendre place dans cette grande histoire qui est la nôtre : l’histoire du peuple des croyants.

    Des jumeaux pas de tout repos

    En effet tu deviens la femme d’Isaac. Tu vas mettre au monde deux jumeaux. Ah ! ça ne se passe pas tout seul ! Dès avant leur naissance, ils se chamaillent. On t’annonce que « deux peuples se détacheront de tes entrailles. L’un sera plus fort que l’autre et le grand servira le petit » (Gn 25, 23). C’est bien ce qui va se passer. Le premier-né, Esaü, est le préféré de son père : il sera chasseur. Toi tu préfères le second, Jacob ; il est plus tranquille… et aussi plus malin. Tout le monde sait comment il a ravi le droit d’aînesse à son frère pour un plat de lentilles.
    Jacob, ton préféré

    Mais ton mari est devenu vieux et aveugle. Il tient à bénir son aîné avant de mourir. Sans doute n’est-il pas au courant de l’histoire des lentilles, puisqu’il demande à Esaü de lui préparer un bon plat de gibier avant de lui donner sa bénédiction. Tu as tout entendu. Il faut faire vite pour que Jacob reçoive la bénédiction paternelle avant Esaü. Tu prépares un chevreau, tu déguises Jacob en lui mettant les vêtements de son frère et, comme Esaü est très velu, tu couvres ses bras avec la peau du chevreau. Et ça marche ! Malgré une méfiance compréhensible, Isaac se laisse convaincre et donne sa bénédiction à Jacob.

    Colère d’Esaü quand il apprend l’histoire ! Il maudit son frère et, pour ‘bénédiction’, il ne recevra que la certitude d’être soumis à Jacob. Il faudra du temps pour qu’ils se réconcilient. Pour l’instant, il s’agit de protéger ton préféré, car, dis-tu, « tu ne veux pas être privé de mes deux fils en un seul jour ». Rapidement tu organises son départ. Tu l’envoies chez ton frère Laban, loin de la colère d’Esaü. Il y réussira comme pasteur et pourra ramener une belle famille au pays de Canaan. Mais c’est une autre histoire que je raconterai bientôt en écrivant à tes belles-filles que tu n’as pas connues.

    En effet, à partir de cet instant, il n’est plus question de toi dans la Bible. On sait seulement que tu as été ensevelie dans le Tombeau des Patriarches.

    Dans quelque temps, je m’adresserai à toi, Rachel , à vous, les femmes mentionnées dans la généalogie de Jésus, à vous les femmes de David… et à vous aussi, les "femmes sombres" de la Bible, Dalila la traîtresse ainsi qu’à toi, Jézabel. Vous êtes cette part d’humanité devant qui l’Adam, le ‘tiré de la terre’, s’extasie et se réjouit : « Voici l’os de mes os et la chair de ma chair ! ». Notre lecture de la Bible serait tronquée si on vous oubliait.

    Joseph CHESSERON

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