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  • Lettre à Marie de Magdala

    Il y a quelques années, en commençant la célébration de la messe de Noël, j’avais souhaité « Joyeuses Pâques » aux chrétiens réunis. Étonnement teinté de pitié ! Pauvre Joseph, il vieillit et confond tout !

    Marie de Magdala, je suis sûr que tu aurais compris tout de suite ce que je voulais dire ; toi qui fus témoin privilégié de Pâques, tu sais fort bien que Noël, le vrai Noël, ne se comprend qu’à la lumière du Ressuscité. Matthieu et Luc qui, seuls, ont parlé de l’enfance de Jésus avaient déjà en tête La Croix du Christ et le tombeau vide.

    C’est bien pourquoi, à travers toi, en ce temps de Noël, je veux parler de celui qui t’a tant aimée… et que tu as tant aimé. Laissons de côté les élucubrations romanesques de Dan Brown et de son « Da Vinci Code » et restons-en à ce que l’Écriture dit de toi.

    Il est question plusieurs fois de toi dans l’Évangile. Marc (15, 40) et Jean (19, 25) notent ta présence à la Croix ; Marc (16, 1.2) et Luc (24, 1) te mentionnent avec d’autres femmes devant le tombeau. Mais c’est surtout l’Évangéliste Jean qui te met en scène devant ce tombeau vide. C’est sur ce récit que je vais m’appuyer.

    11 Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau 12 et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds. 13 " Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? " Elle leur répondit : " On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. " 14 Tout en parlant elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui. 15 Jésus lui dit : " Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? " Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : " Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis et j’irai le prendre. " 16 Jésus lui dit : " Marie. " Elle se retourna et lui dit en hébreu : " Rabbouni " , ce qui signifie maître. 17 Jésus lui dit : " Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. " 18 Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : " J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. "

    Pourquoi pleures-tu ?

    Depuis longtemps, tu fais partie de l’entourage immédiat de Jésus. Ce n’est donc pas étonnant de te retrouver, avec la mère de Jésus et d’autres femmes, au pied de la Croix, témoin privilégié de la mort de Jésus, et avec le Disciple bien-aimé. C’est tout ton univers d’amour qui s’écroule. A ce moment, il n’y a plus d’avenir ; c’est le vide, le noir complet. Après la venue de Pierre et du Disciple au tombeau (Jn 20, 2-10), tu restes là et tu pleures. Le textes mentionne tes larmes quatre fois (v 11, 13 et 15) ; tu es sur le versant de la mort, du désespoir. La question des anges, qui sont pourtant vêtus de blanc, signe de la vie, et de celui que tu prends pour le jardinier (« pourquoi pleures-tu ») ne suffisent pas pour t’en sortir.

    Marie ! – Rabbouni !

    La voix de cet homme te fait te retourner une première fois. Mais tu t’accroches à ce passé si chaleureux… et si douloureux : tu veux garder ce corps mort comme une relique. Il faudra que l’homme t’appelle par ton nom pour que, enfin, tes yeux s’ouvrent et que tu le reconnaisses : « Rabbouni, ce qui signifie maître ». C’est ton deuxième retournement : tu est toute « retournée » au son de cette voix connue et aimée. Comme le Disciple (20, 8), ce sont les yeux de la foi qui s’ouvrent pour toi. Par-delà la mort, sur le versant de la vie, la relation avec celui que tu aimes se renoue, mais de façon radicalement nouvelle. C’est sans doute ce que Jésus te dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. » Jésus, par sa résurrection, passe dans un monde autre, le monde de son Père, que seule la foi te laisse pressentir et espérer.

    Va trouver mes frères…

    Te voilà porteuse d’une nouvelle inouïe. Oui, la première missionnaire, c’est toi, une femme ! Dans le monde qui est le tien (juif, grec ou romain), c’est invraisemblable. A ce niveau-là comme à bien d’autres, l’Evangile est révolutionnaire. Pourquoi ne l’a-t-on pas retenu et mis en valeur dans l’histoire de l’Eglise ? Y compris en elle, les préjugés ont la vie dure ! De plus, le message dont Jésus vient de te charger, c’est tout simplement la « déclaration de destinée commune », par ce même Jésus, entre l’humanité et Dieu vers lequel il nous entraîne : « Dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. ». Ta relation privilégiée avec Jésus, à son invitation, tu ne la gardes pas pour toi, tu la partages avec la communauté, avec l’Eglise : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »

    Noël et Pâques

    Marie de Magdala, tu nous invites à prendre ton chemin de croyante. Tu n’as pas entendu la voix des anges de Bethléem qui ont bouleversé les bergers et leur ont permis de reconnaître dans la foi l’enfant venu parmi les siens pour les entraîner vers son Père. C’est le début de son histoire humaine. Toi, tu te situes à l’aboutissement de cette histoire, qui s’ouvre sur l’infini de Dieu. Noël et Pâques, c’est bien le même message de vie et de bonheur que tu nous transmets. A notre tour de prendre le relais !

    Merci, Marie, pour tes larmes et pour ta joie !

    Joseph Chesseron