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  • Homélie de Mgr Wintzer - Pâques 2024

    Homélie de Mgr Wintzer - Pâques 2024

    Que disent nos églises ? Que dit notre cathédrale ?
    Elles chantent la gloire de Dieu, et en même temps, elles
    chantent la gloire de l’humanité.
    La résurrection du Seigneur est notre propre résurrection ;
    nous venons de l’entendre, saint Paul ne parle pas au futur
    mais au présent de notre résurrection.
    « Frères, si vous êtes déjà ressuscités avec le Christ,
    recherchez les réalités d’en haut. »

    L’architecture gothique du XIIIe siècle exprime cette foi,
    cette espérance.
    Tout affirme la vie.
    La lumière, l’élévation, le décor, ici, les magnifiques
    peintures qui ont été remises au jour il y a quelques
    années… tout ceci nous élève, nous conduit vers les
    hauteurs.
    Nos yeux se lèvent… nous appelant à vivre en femmes et
    en hommes relevés, redressés, ressuscités.
    C’est cela que nous chantons en ce matin de Pâques, une
    espérance qui se lève alors que l’obscurité de la nuit est à
    peine dissipée.
    Tout à l’heure, avec les autres Eglises chrétiennes de
    Poitiers, nous l’avons annoncé et chanté au belvédère des
    Dunes, contemplant le beau panorama de notre ville, ses
    clochers, ses tours, sa mairie, sa préfecture, ses
    immeubles, et tous ses habitants qui, sans doute, pour la
    plupart, dormaient encore, surtout que nous sommes un
    jour où la nuit a été plus courte d’une heure, passage à
    l’heure d’été oblige.

    Mais, sur quoi repose notre foi, celle qui a animé des
    millions d’être humains depuis un petit matin en
    Palestine ?
    Rien de tangible, aucun signe, aucun monument,
    uniquement la parole de deux ou trois témoins.
    Pour cet événement, la résurrection, le plus grand et le plus
    exceptionnel de l’histoire humaine, Dieu n’a pris aucune
    garantie ; il ne laisse aucun signe grandiose, seulement un
    tombeau vide et la parole de témoins, les mêmes qui,
    quelques heures avant, avaient abandonné leur Maître.
    Et remarquez que Jésus n’a rien écrit, sinon quelques traits
    sur le sable. Il a laissé à d’autres que lui la mission de dire
    sa vie et sa parole.
    Jésus a même employé des moyens que de mauvais esprits
    pourraient considérer comme les moins sûrs, les plus
    sujets au doute.
    Au matin de Pâques, ce sont des femmes, les premières au
    tombeau, qui ont annoncé à des hommes la résurrection,
    dont Marie-Madeleine, qu’on aime à appeler l’apôtre des
    apôtres.
    C’est pour avoir fait crédit à la parole de Marie-Madeleine
    que, au matin de Pâques, Pierre et Jean se rendent au
    tombeau.
    Il faut recevoir tout ce que ceci nous dit ; pour moi, c’est
    un appel à grandir dans la confiance les uns dans les autres,
    à combattre toutes les méfiances, en cette époque où nous
    multiplions les procédures pour nous garantir de tout, des
    autres, de la vie.

    C’est vrai, parfois nous pourrons être abusés – il y a
    quelques semaines, il paraît qu’un faux prêtre, se faisant
    appeler le Père Vitalis… c’est tout de même croquignolet,
    a été accueilli ici et là, dont dans des monastères.
    Je ne jette en rien la pierre à ceux qui l’ont accueilli ;
    serait-il préférable de n’ouvrir la porte à personne, au
    risque que ce soit le Seigneur lui-même que nous laissions
    dehors ?
    Je rappelle que notre diocèse est marqué par de grandes
    figures de sainteté, dont André-Hubert Fournet, qui vécut
    une conversion en ouvrant la porte de son presbytère à un
    pauvre, un pauvre dans lequel il comprit que c’était le
    Seigneur qui frappait à la porte de sa maison.
    Chaque année, la fête de Pâques nous conduit à grandir
    dans la confiance, à élargir nos bras.
    En effet, cette nuit notre famille s’est agrandie de celles et
    ceux qui ont reçu les sacrements de Pâques.
    On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa
    famille… et j’ajoute, en ce jour de Pâques, on ne choisit
    pas ses frères et ses sœurs, ils nous sont donnés.
    Oui, nous recevons des frères et des sœurs.
    En dehors des membres de l’équipe du catéchuménat, nous
    nous connaissons encore peu, ou pas du tout ; je souhaite
    que peu à peu, des liens se développent, pour apprendre à
    recevoir les richesses de vie et de foi que portent les uns et
    les autres.
    Les catéchumènes sont des dons que Dieu fait à son
    Eglise ; qui d’entre nous peut penser que c’est grâce à lui,
    à elle, que des jeunes, des hommes et des femmes
    découvrent la foi et la choisissent ?

    Le penser serait bien présomptueux, et surtout faux.
    C’est Dieu qui appelle, c’est lui qui fait naître la foi.
    Et puis, notre Eglise, bien pauvre, bien humiliée aussi par
    ses fautes et ses lâchetés, surtout contre les plus faibles, at-elle beaucoup de choses à mettre en avant pour dire
    qu’elle aurait suscité la foi ?
    Cependant, acceptons simplement, humblement, de dire
    que nous n’avons pas fait obstacle à l’amour de Dieu, à
    son action.
    Il n’y aurait que cela, ce serait magnifique.
    Et n’est-ce pas avant tout cela être chrétien ? Laisser Dieu
    agir, en nous, par nous, aussi malgré nous.
    Oui, nous pouvons remercier le Seigneur, aussi nous
    remercier les uns et les autres d’être de simples et pauvres
    témoins du Seigneur.
    Nous n’avons choisi ni nos parents, ni nos frères et nos
    sœurs, il faut qu’il en soit toujours ainsi dans la
    communauté chrétienne.
    C’est pour cette raison qu’il faut éviter de faire des
    paroisses qui s’identifieraient trop à des manières de prier,
    de penser, de croire.
    Le risque serait de constituer des groupes affinitaires, où
    l’on ne retrouvera que les mêmes ; quelle pauvre Eglise
    alors, mais aussi quelle pauvre société celle qui ne sait plus
    que regrouper ceux qui se ressemblent et se choisissent.
    C’est alors l’Eglise et la société des réseaux sociaux ; on
    n’y fait pas société, on développe le narcissisme et on
    regroupe des semblables.

    Les seules dimensions de la cathédrale nous appellent à
    tout autre chose ; ici, rien d’une chapelle ou de l’entre-soi.
    Regardons notre assemblée, si belle, si diverse, si riche, et
    avant tout si unie, non par nos ressemblances mais par le
    Seigneur.
    Comme il est celui qui appelle à venir à lui, il est celui qui
    nous unit et nous tient en frères et sœurs.
    C’est aussi cela la puissance de la résurrection, au cœur de
    sociétés, de pays qui continuent à se déchirer.
    Vivons en ressuscités, laissant Dieu triompher en nous des
    ferments de mort et de divisions.

    Mgr Pascal Wintzer