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  • Histoire des évangiles

    5 – la transmission

    Il est bien évident que nous ne possédons pas les manuscrits originaux des évangiles. Ce que nous possédons, ce sont des copies de copies. Dans cette longue chaîne qui nous relie aux origines, on peut distinguer deux périodes d’inégale longueur. Une première, jusqu’au IV° siècle : de la rédaction aux manuscrits les plus anciens ; une seconde, du IV° siècle à nos jours : des manuscrits antiques jusqu’à nos bible imprimées.

    1- Du texte original aux anciens manuscrits

    Les principaux manuscrits

    Nous avons déjà dit qu’il y avait deux supports pour les manuscrits : le papyrus, moins cher mais moins solide, et le parchemin, fait de peau de chèvre ou de mouton, plus résistant mais plus onéreux. Dans les tout premiers siècles, la situation des communautés chrétiennes est difficile, y compris pécuniairement. C’est donc le papyrus qui est utilisé. A partir de 313, date de l’Edit de Milan, qui permet à l’Eglise de vivre au grand jour et de disposer de moyens financiers plus importants, les textes sont plus souvent transcrits sur parchemin.

    Les papyrus

    Dans le cadre de cet article, contentons-nous de donner quelques repères. Le manuscrit le plus ancien de l’évangile que nous possédons est un fragment de papyrus de 6 x 9 centimètres, où l’on peut lire cinq versets du ch. 18 de Jean. Il a été découvert en Egypte et est date de la 1ère moitié du II° siècle (quarante ou cinquante ans après la date de composition communément admise). Puis viennent la masse des papyrus, comportant soit quelques versets, soit des textes plus ou moins complets.

    Les parchemins

    Notons les principaux manuscrits sur parchemin, aux textes beaucoup plus complets, : le Sinaïticus, découvert au monastère Sainte Catherine, au Sinaï (d’ou son nom) ; le Vaticanus, conservé à la Bibliothèque vaticane, L’Alexandrinus, conservé au British Museum, à Londres ; Le Codex Ephraemi, conservé à la Bibliothèque Nationale à Paris ; le Codex Bezae, donné à l’université de Cambridge, au XVI° siècle, par le théologien protestant français Théodore de Bèze. Hormis ce dernier document, qui est bilingue (grec et latin), les autres transmettent la Bible en grec (Ancien et Nouveau Testament). Ils se présentent comme nos livres actuels, sous forme de feuillets et de pages. Les manuscrits plus anciens se présentaient sous forme de rouleaux (en latin volumen, d’où volume).

    A la recherche de l’original

    Le temps écoulé entre le texte original et ces manuscrits peut paraître long, mais, si on le compare à d’autres textes de l’antiquité, cet intervalle est extrêmement court. Un seul exemple : 900 ans séparent César du plus vieux manuscrit que nous possédons de ses œuvres. Il est vrai que nous souhaiterions avoir les originaux. Cela nous manque, car la question est de savoir si la transmission a été fidèle.

    Il revient à une discipline que l’on appelle la critique textuelle de comparer tous ces manuscrits. C’est un travail long et difficile, jamais achevé, à cause de l’abondance des manuscrits, du nombre des variantes et des appréciations diverses des spécialistes. Hormis les erreurs involontaires, certains copistes ont pu expliciter des expressions trop concises ou supprimer des passages obscurs, ou bien mettre en marge des notes qui ont été ensuite intégrées dans le texte. Tout cela reproduit maintes et maintes fois, on aboutit, au bout de plusieurs siècles, à des milliers de variantes, que la critique tente d’apprécier pour établir le texte qui semble le plus proche des origines.

    2- Des anciens manuscrits à nos Bibles imprimées

    les premières traductions

    Dès le III° siècle, on commença à traduire l’évangile en langue populaire : en latin à Rome, car cette langue est redevenue la langue du peuple ; en syriaque, langue apparentée à l’araméen, ou en copte, dérivé de l’égyptien ancien. Mais ces traductions devinrent insuffisantes. La traduction latine de toute la Bible fut l’œuvre de saint Jérôme (347-420). Il la traduisit à partir de l’hébreu pour ce qui est de l’Ancien Testament. Elle porte le nom de Vulgate(= la populaire), de vulgus qui veut dire peuple en latin. Peu après apparut une traduction syriaque, la Peshitta (= la simple)

    Au Moyen Age

    La Vulgate, au Moyen Age, devint rapidement le texte officiel de l’Eglise d’Occident. elle servit de base aux premières traductions des évangiles en français. Mais ce ne sont que des traductions de traductions.

    Le Moyen Age connut un certain nombre d’adaptations en langage populaire. On vit apparaître des résumés à l’usage des prédicateurs incapables de comprendre le latin, ou des textes utilisés par des prédicateurs jugés hérétiques, tels que Pierre Valdo, marchand lyonnais, fondateur des Vaudois. L’Eglise s’est montrée très réservée sur ce genre de production.

    A la Renaissance

    Enfin, vint l’époque de l’imprimerie. La Vulgate fut le premier livre mis sous presse par Gutenberg. Posséder un livre devint accessible à des gens au budget plus modeste. Cela se vérifia pour la culture religieuse comme pour la culture profane L’imprimerie donna un nouvel essor aux traductions de la Bible. Les protestants la traduisirent, non à partir de la Vulgate, mais à partir des langues originelles : hébreu pour l’Ancien Testament, grec pour le Nouveau Testament.

    A l’époque contemporaine

    Les protestants ont été en pointe pour la diffusion de la Bible en langue populaire. Notons la Bible de Darby (milieu du XIX° siècle) et surtout la Bible de Louis Second (1ère édition en 1880) ; une édition d’étude vient d’être publiée en 2002. En 1894, parut la première traduction catholique à partir de l’hébreu et du grec par l’abbé Crampon. Il y eut la Bible des moines de Maredsous, celle du chanoine Osty. Le travail de l’Ecole Biblique de Jérusalem aboutit, en 1955, à la parution de la Bible de Jérusalem. en 1972, la collaboration entre les Eglises chrétiennes permit la publication de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB), qui adopte l’ordre des livres de la Bible hébraïque et inclut les livres deutérocanoniques, non reconnus comme canoniques par les protestants.

    On estime que environ deux millions de bibles complètes sont vendues chaque année, traduites en environ 400 langues.

    Un best-seller toutes catégories

    Pour conclure cet article, je cite le dernier paragraphe du livre de M. Quesnel : « La Bible est, de nos jours, l’ouvrage le plus traduit et le plus diffusé au monde ; et, dans l’ensemble des textes bibliques, les évangiles se taillent, comme on peut s’en douter, la part du lion. Déjà longue de près de deux millénaires, l’histoire des évangiles est loin d’être achevée ».

    Comme annoncé, les deux prochains articles essaieront de répondre à la question provoquée par les différences entre les quatre évangiles : «  Qui dit vrai ?  »

    Joseph CHESSERON