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  • # 33 du 10 juin 2021 à télécharger

    Un courrier mensuel,
    le 10 de chaque mois
    André TALBOT
    le 10 Juin 2021

    Dossier d’information : Éthique sociale en Église N° 33

    + Un regard sur notre monde, pour partager quelques réflexions et cultiver l’espérance.
    Propos offerts pour être partagés.*

    # DIÈSE : Un demi-ton au-dessus du bruit de fond médiatique.

    1 – Nous allons voter ! Enfin une bonne nouvelle !
    Ces derniers mois, l’actualité la plus prégnante, parfois angoissante, avait trait à la pandémie. Les images en boucle d’écouvillons dans le nez, puis d’aiguilles plantées dans le bras, devenaient obsédantes et risquaient d’atténuer notre capacité à réfléchir. Il pourrait bien y avoir une victime collatérale du Covid : l’esprit démocratique.

    Il n’est donc pas inutile de signaler que nous sommes appelés aux urnes les 20 et 27 juin prochains pour les élections départementales et régionales. Nous pouvons commencer par remercier celles et ceux qui viennent d’assumer un mandat d’élus ; même si nous ne sommes pas pleinement accordés aux décisions et orientations prises, nous ne devons pas oublier que les services publics ont été globalement assurés, grâce aux impulsions des élus. Merci également aux candidats pour les prochains scrutins ; ces personnes ont leur part de soucis personnels, familiaux, professionnels et elles donnent de leur temps pour se présenter aux suffrages de leurs concitoyens.

    Il peut être utile de s’informer, notamment sur les compétences de ces instances intermédiaires que sont les conseils départementaux et régionaux. On peut regretter que nombre de commentateurs évoquent cette échéance électorale en pensant surtout à l’élection présidentielle de l’année prochaine et non aux décisions qui relèvent de ces instances. Parmi les diverses compétences, le département a la charge de l’action sociale envers les plus fragiles tandis que la région s’occupe de l’aménagement du territoire et l’environnement ; des questions importantes pour la qualité de notre vie commune sur lesquelles il y a vraiment de quoi débattre ! Prendre part à cette échéance démocratique, c’est aussi une manière de résister au centralisme et à la personnalisation excessive de l’action politique qui gangrènent notre vie commune.

    2 – Vive la démocratie ! Précieuse, fragile…
    Nous avons pu voir des images de foules qui manifestent et qui prennent des risques considérables face à des pouvoirs autoritaires et souvent corrompus, en Europe de l’Est, en Asie, en Afrique, en Amérique latine… De tels témoignages peuvent nous réveiller quand nous prenons un air de consommateur blasé face à l’avenir de la démocratie dans notre pays, en Europe.

    Retenons deux atouts majeurs de la démocratie. C’est le système politique qui met au cœur le respect de la dignité humaine. Chacun peut faire valoir le droit à être reconnu comme une personne ; il faut donc veiller à ce que des lois de circonstance ne viennent pas entraver indûment les libertés, notamment celles des plus fragiles, des sans voix. Certains s’inquiètent à juste titre de voir des règles prises en situation d’urgence (attentats, pandémie) entrer dans le droit commun. Restons vigilants.

    Mais cette vigilance nous concerne tous comme membres et acteurs de la société civile. Nous voyons la violence prendre le dessus quand les paroles ne sont plus des échanges mais des injures, quand les propos racistes ou xénophobes se répandent de manière insidieuse, sans oublier les cas extrêmes de passage à l’acte.

    La démocratie est également mise à mal lorsque le complotisme devient monnaie courante ; sur ce point également, les réseaux sociaux peuvent répandre des rumeurs infondées qui à force d’être partagées deviennent des « vérités alternatives ». Il y a la tentation d’appartenir à un cercle d’initiés en se donnant l’illusion de connaître ce qui serait caché au plus grand nombre. Sans oublier le renvoi à un soi disant « bon sens » qui fait fi de la raison et de la réflexion. Gardons l’esprit critique à l’égard des rumeurs qui empoisonnent la confiance mutuelle, au mépris de la rigueur de jugement.

    L’esprit démocratique suppose aussi la participation active des citoyens, en prenant part au vote bien sûr, mais aussi par les solidarités effectives dans les soutiens de voisinage et la vitalité des associations. On peut se réjouir des multiples initiatives prises pour faire face aux difficultés liées à la pandémie. La démocratie ouvre justement la voie à cette dynamique sociale et elle s’en nourrit ; il faut encore que chacun déploie son esprit civique en des actions concrètes et n’en reste pas aux récriminations du client mécontent. Mais il faut bien aussi une organisation de la vie commune sous le signe de la justice sociale, c’est le rôle du politique, à condition de ne pas tout en attendre comme s’il s’agissait d’une « providence » séculière. La qualité de la vie commune en démocratie suppose l’engagement responsable de chaque citoyen !

    3 – Une ressource : la fraternité, Pape François, encyclique Fratelli tutti :
    « Reconnaître chaque être humain comme un frère ou une sœur et chercher une amitié sociale qui intègre tout le monde ne sont pas de simples utopies. Cela exige la décision et la capacité de trouver les voies efficaces qui les rendent réellement possibles. (…) Il s’agit de progresser vers un ordre social et politique dont l’âme sera la charité sociale. Une fois de plus, j’appelle à réhabiliter la politique qui est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun. » (n° 180)

    La vie commune ne se réduit pas à un emboîtement d’initiatives individuelles, en évitant des empiètements. Elle se nourrit de la volonté et du désir de vivre ensemble dans un échange d’amitié sociale. De son côté, Durkheim évoquait en 1890 la volonté « de s’associer, pour le plaisir de ne plus faire qu’un à plusieurs, de ne plus se sentir perdu au milieu d’adversaires, pour le plaisir de communier » dans une vie commune qui a du sens.

    4 – Migrations  : Un rapport note que, en 2020, 55 millions de personnes ont dû s’enfuir au sein de leur propre pays, on parle alors de « déplacés internes ». Pour les trois quarts d’entre eux, ces déplacés ont été obligés de partir en raison d’une catastrophe naturelle ou de phénomènes météorologiques extrêmes. Durant la même année, ce sont 26 millions de réfugiés qui ont traversé une frontière internationale pour chercher un abri. Les solidarités se jouent donc d’abord à l’intérieur de chaque pays. Mais nous devons également envisager des solidarités internationales, en venant en aide aux habitants de régions dévastées, en accueillant des personnes et des familles en difficulté.

    Solidarité ou repli ? Peur de perdre son identité ? Une revue émanant de la conférence des évêques de France propose une réflexion intéressante sur ce thème : « La marge de manœuvre de chacun apparaîtra étroite à l’égard d’orientations qui relèvent de décisions politiques. Il reste pourtant des initiatives à notre portée. La première est de pacifier notre peur de l’étranger. Certains sont habités par la crainte de perdre leur identité culturelle ou religieuse. Il ne tient qu’à nous de la manifester par la culture de l’accueil qui est au cœur de cette identité et qui nous rend fiers d’être français. »
    Documents épiscopat n° 3, 2020, Et maintenant ? Vers un nouvel art de vivre. P. 64

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    *adresses à envoyer à andretalbot673@gmail.com