• Logo
  • « Passe en Macédoine, viens à notre secours » (Ac 16, 9)

    Pour s’abreuver à la source, notre Eglise en Synode s’est mise à l’écoute des Actes des Apôtres. En juillet – août, le Blé qui Lève a essayé de répondre à la question : « Pourquoi lire les Actes des Apôtres ? ». Puis nous avons fait connaissance avec les principaux « acteurs » : Pierre, Etienne, Philippe (septembre) et surtout Paul (octobre, novembre, décembre). En janvier, nous avons cherché à découvrir les caractéristiques principales des premières communautés. Dans les N° de février et mars, nous insisterons sur l’ouverture à l’universel présente du début à la fin des actes (Ac 1, 1-8 et 28, 28) : née au sein du particularisme juif, l’Eglise passe pleinement, « avec armes et bagages », au monde gréco-romain. Et, tout au long de son histoire, il lui faudra s’engager dans d’autres passages si elle veut être fidèle à ses origines. Elle porte cela dans ses gènes. Comme Abraham, il lui faut partir ; comme Moïse, il lui faut passer la mer ; comme Jésus, il lui faut marcher au risque de la Croix.

    Dans ce N° de février, nous essayons de répondre à cette question : quels sont donc ces mondes en présence que nous découvrons dans le Nouveau testament, en particulier dans les Actes des Apôtres ?

    Le monde juif

    Le monde juif de Palestine, très diversifié, soit par son implantation géographique (les habitants de Jérusalem et le la Judée, et les Galiléens, souvent méprisés par les Judéens), soit par les choix politico-religieux (pharisiens, hérodiens, sadducéens, esséniens). Le Temple est le seul lieu où on offre des sacrifices, les synagogues étant d’abord des lieux d’étude de la Tora (la loi). Après la prise de Jérusalem en 70, il n’y aura plus de temple, plus de sacrifices. La synagogue sera le seul lieu de rassemblement. Elle jouera un rôle primordial dans le maintien de l’identité juive, de l’étude de la Tora et des rites, en particulier la circoncision. Par ailleurs, il ne subsistera que le courant pharisien, dont est issu le Judaïsme qui est parvenu jusqu’à nous.

    Le monde juif de la Diaspora :
    Ce mot désigne la dispersion des Israélites à travers le monde. Elle commence après la chute du royaume de Samarie en 722 av. JC et surtout, environ 130 ans après, au moment de l’exil de 587 à Babylone, après la prise de Jérusalem.

    Les Juifs, petit à petit, s’implantent un peu partout, en Mésopotamie ( l’Irak actuel), en Syrie, en Egypte, en Asie Mineure (la Turquie actuelle), puis en Grèce et jusqu’à Rome. Damas, Antioche, de Syrie et de Pisidie, Ephèse, Thessalonique, Athènes, Corinthe, sont autant de jalons dans les parcours de Paul. Les Actes ne parlent d’Alexandrie que par la mention des Alexandrins débattant avec Etienne (Ac 6, 9). C’était pourtant là que résidait la plus importante communauté juive en dehors de la Palestine. C’est à Alexandrie qu’a été faite la première traduction de la Bible en grec [la Septante] ; or une traduction est déjà le passage d’un système de pensée à un autre.
    Ces communautés sont reconnues par le pouvoir romain : la religion juive est considérée comme « religion licite ». Le christianisme, au départ, sera perçu par le pouvoir romain comme une secte juive.

    Le monde grec

    La civilisation grecque est omniprésente dans cette partie orientale de la Méditerranée depuis la création de l’empire d’Alexandre (330), comme elle est présente, depuis plus longtemps encore en Cicile et en Italie, par le mode de vie, l’architecture, la philosophie, la langue (tout le Nouveau Testament est écrit en grec). Dans l’Histoire, la confrontation entre cette civilisation et le monde juif ne s’est pas passé sans heurts (cf Antiochus IV et les frères Macchabée – profanation du Temple en 167). En 38 de notre ère, 50.000 juifs d’Alexandrie furent massacrés, prélude sanglant des pogroms que le peuple juif connaîtra tout au long de son histoire.

    A travers les Actes des Apôtres, ce monde grec apparaît très divers. Paul se trouve confronté à la religion populaire, à Lystres (Ac 14, 8-18) où Barnabas et lui sont pris pour des dieux et à Ephèse (Ac 19, 21-40) où les conversions au Christ font de l’ombre au culte à Artémis. A Athènes, il se heurte à la philosophie grecque et son discours reçoit un accueil mitigé. Par contre, dans le milieu populaire de Corinthe, sa prédication est plus écoutée et il y fonde une communauté nombreuse… et turbulente.

    Le monde romain

    Depuis les années 200 av. J.C., la puissance romaine a tissé sa toile petit à petit en direction de l’Orient, elle assure sa présence militaire et politique par un jeu subtil de soutien à des potentats locaux. Hérode le Grand et ses successeurs en sont l’exemple type. Elle laisse aux populations une grande autonomie de vie, accordant même à certaines cités la citoyenneté romaine. Paul s’en servira pour sa défense, lui qui était citoyen romain de par sa naissance à Tarse, ville d’Asie Mineure qui avait ce privilège.
    Rome sait aussi être très brutale quand son autorité est battue en brèche et quand les populations deviennent trop turbulentes. Rappelons-nous la prise de Jérusalem par Pompée en 63, le massacre de Galiléens par Pilate (Lc 13, 1-2), l’expulsion des juifs de la ville de Rome, sous l’empereur Claude (Ac 18, 1-2), la répression de la révolte juive de 66-70 (prise de Jérusalem et destruction du Temple construit par Hérode) et fin de la présence juive en Judée.

    Entre deux : craignant-Dieu et prosélytes

    A la jonction entre le monde juif et le monde gréco-romain, apparaissent deux catégories de personnes : les « craignant-Dieu » et les « prosélytes ». Les premiers partagent la foi d’Israël, sans aller jusqu’à la circoncision. Ils observent les pratiques essentielles (sabbat, offrande pour le Temple). Les seconds font partie du peuple de l’Alliance par le rite de la circoncision, mais certains droits leur sont refusés. C’est souvent dans cet « entre deux mondes » que grandira le christianisme. Les disciples de Paul, Timothée, Tite et, sans doute, Luc, en firent partie.

    Dans le N° de mars, nous essayerons de découvrir comment les premières communautés chrétiennes ont fait le passage d’un monde à l’autre, sans renier le point de départ : l’Alliance que Dieu contracte avec son peuple et qu’il ne reprend pas. Et nous verrons combien notre Eglise d’aujourd’hui doit se souvenir des marques indélébiles qu’elle a reçue : elle n’est elle-même que lorsqu’elle se met sur les chemins des hommes.

    Joseph CHESSERON