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  • Nous ne pouvons pas ne pas exprimer notre gratitude envers le pape Benoît XVI au moment où il renonce à sa charge. Nous le faisons à deux voix : l’une protestante, l’autre catholique.
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    Le catholique que je suis n’est pas conscient de tout ce qu’il doit à ce grand homme d’Eglise, dans ses différents ministères et spécialement par sa compétence théologique : il marque l’histoire de son empreinte personnelle. Lié à son sens de l’Eglise à laquelle il se voue sans réserve, c’est justement ce tour personnel qu’il donne à sa pensée et au moindre de ses actes – le dernier en date étant sa décision de mettre un terme à sa charge – qui le rend attachant.
     
    Même si ses positions étaient souvent contestées - voire parfois contestables : de grands théologiens se refusèrent à le suivre jusqu’au bout ! -, je l’ai toujours considéré comme un fin et exceptionnel connaisseur du christianisme, indiquant comme nul autre les « fondamentaux » de notre foi. Il serait intéressant de les passer en revue.
     
    Avec ténacité il a défendu « l’intégrité » de l’homme qu’il ne voulait pas voir se contenter de trop peu pour la conduite de sa vie et pour l’intelligence de ce qu’il est : l’homme est fait pour la gloire de Dieu, et Dieu est fait pour se glorifier en lui, du moins dans ce qu’il a de bon. Il était tourmenté par l’avenir de l’homme européen à cause de son oubli de Dieu, généralisé.
     
    Benoît XVI a eu un incroyable souci de défendre la liturgie, c’est-à-dire la prière de l’Eglise, lorsqu’elle risquait de tourner au bavardage et à l’insignifiance. Si ses positions paraissent rigides, on ne peut que saluer son intelligence de la liturgie et de son rôle primordial dans la vie chrétienne : la liturgie, pour lui, n’est-elle pas « le primat de Dieu dans l’adoration ».
     
    Le voilà encore préoccupé de l’application du Concile. Pendant 50 ans, il est là à défendre la bonne interprétation de celui-ci : le critère est bien sûr, pour lui, la tradition. Or celle-ci rejette les ruptures. Le pape montre à temps et à contre temps que le Concile Vatican II n’est pas une rupture de tradition, et que pour le bien comprendre, il faut l’intégrer à toute l’histoire du christianisme. Encore récemment, il affirme que, seulement aujourd’hui – et donc après les exaltations et les déceptions en tout genre au sujet de son application - « nous voyons apparaître le vrai Concile dans toute sa force spirituelle », le vrai Concile, dégagé de ses fantasmes.
     
    Il a bien sûr poursuivi la tâche œcuménique de réconciliation des Eglises chrétiennes séparées, mais là aussi, avec rigueur : il ne trouvait pas suffisant que l’on soit aujourd’hui paisiblement divisé, après que nous l’ayons été jadis, en nous faisant la guerre.
     
    L’influence d’Augustin dont il est pétri, l’a fait passer pour un pessimiste. En fait, c’est la foi qui prime, au milieu des malheurs du monde, aussi bien que de ses bonheurs. C’est cette foi qui lui « permet » la joie, et celle-ci affleure souvent, en particulier dans ses sermons. Ceux-ci peuvent être lus – ils sont édités -. On remarquera qu’à chaque page quelque chose de profond et d’intelligent emporte l’adhésion et la reconnaissance.
     
    Je dirais que dans sa courageuse « œuvre » théologique au service de la pastorale, il a défendu et illustré la foi chrétienne, pour en conserver l’ « esprit ». Même, il l’a plus illustrée que défendue. Il a bien parlé de la foi chrétienne.
     
    Il me fait penser à la grande figure du Cardinal Newman au XIXe siècle, qu’il admirait d’ailleurs et vis-à-vis duquel il a exprimé sa dette, ne serait-ce qu’en le béatifiant lui-même, le 19 septembre 2010, à Birmingham. Nous avons besoin d’esprits capables de « défendre » le christianisme, simplement en en exposant l’intégrité, la grandeur et la beauté. Défendre en illustrant : cela seul assurera un avenir à l’Evangile de Jésus.
     
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    J'ai été frappé par la lucidité de cet homme qui constate ses difficultés à assumer la charge qui lui avait été confiée, de diriger l'Eglise catholique, et qui a su trouver la volonté d'en tirer les conclusions ; accepter de se mettre en retrait, et de passer dans l'ombre de ce monastère au Vatican. Bien que se sachant investi par Dieu d'une fonction, il n'a pas cru qu’elle était liée à sa personne. Il a montré ainsi qu'il se considérait comme serviteur. Le Président de la fédération protestante de France, Claude Baty, caractérise cet acte de démission comme "courageux et pédagogique". La leçon sera-t-elle entendue ? Il serait toutefois injuste que parmi toutes les décisions qu'il a été à même de prendre, une seule soit retenue par l’histoire : sa volonté de se retirer.
     
    Jacques Bréchoire, Paul Geoffriau.